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L'aide psychologique aux victimes


 UN NUMERO POUR LES VICTIMES D'INFRACTIONS 

Cambriolages, agressions sexuelles, vols avec violence... Quelles que soient les infractions pénales dont ils peuvent être victimes, les Français ont désormais la possibilité de composer sur leur téléphone le 08 842 846 37 pour être écoutés et aidés dans les procédures longues, compliquées et parfois traumatisantes qui les attendent. La gestion de ce service a été confiée par le Ministère de la Justice à l'Inavem (Institut National d'aide aux victimes et de médiation), un réseau qui regroupe 150 associations. Les appels sont anonymes et coûtent le prix d'un appel local. La permanence est assurée tous les jours de la semaine, à l'exception du dimanche, de 10 h à 22 h. (OF 24.10.01)

Les victimes peuvent également contacter le service par mail :
08victimes@inavem.org


 DISCRIMINATIONS RACIALES : VICTIME OU TEMOIN : appelez ! 

Appel gratuit, du lundi au samedi de 10 heures à 21 heures : composez le 114, qui est un numéro d'appel téléphonique gratuit mis en place par le gouvernement pour aider les personnes victimes ou témoins de discriminations raciales. Votre demande peut rester anonyme


Vous avez été témoin d'un bizutage, ou soumis à un bizutage ?

 

Comité National Contre le Bizutage (CNCB)

Site : http://contrelebizutage.free.fr

Adresse : contrelebizutage@free.fr

(décembre 2003)


L’AIDE PSYCHOLOGIQUE

AUX VICTIMES

 

(Cet exposé est disponible sur le Centre de Ressources de l'E.N.M.)

par Carole DAMIANI

                            L'aide aux victimes est une préoccupation récente en France. Elle s'est concrétisée par des lois qui reconnaissent les droits des victimes, la création d'un réseau associatif sous l'égide de l'INAVEM (1986), puis, plus tardivement, de Cellules d'Urgence Médico-Psychologiques (1997) et de consultations spécialisées. Nous entendons par "victime", toute personne ayant subi un acte sanctionné par le code pénal (coups et blessures volontaires, agressions sexuelles, attentats...). Ce terme peut s'appliquer aussi aux personnes ayant vécu un événement que l'on pourrait qualifier de " catastrophique " : catastrophe naturelle, catastrophe technologique, guerre, accident individuel ou collectif par exemple. Actuellement, les réseaux d'aide aux victimes et de soins aux victimes sont plus ou moins structurés. Ils se répartissent en fonction des trois étapes de la prise en charge du traumatisme psychique. Les soins immédiats sont assurés par les Cellules d'Urgence Médico-Psychologique essentiellement pour les victimes d'événements collectifs (CROCQ, 1998). Par ailleurs, de plus en plus de cellules se sont créées au sein même d'entreprises ou de collectivités particulièrement concernées par des situations de victimisation : gendarmerie, SNCF, RATP, pompiers, police par exemple. Les soins post-immédiats sont proposés d'une part dans des consultations hospitalières spécialisées telles que Percy ou Saint-Antoine à Paris, d'autre part dans les associations d'aide aux victimes (INAVEM). Par contre, les structures spécialisées de soins psychiques à long terme font cruellement défaut. Or, les victimes de situations de victimisation répétées (inceste, emprise sectaire, violences conjugales notamment) devraient pouvoir bénéficier de lieux d'accueil adaptés et pluridisciplinaires.

 

Présentation de l'INAVEM

La Chancellerie, représentée par le Bureau de la Protection des Victimes et de la Prévention (BPVP), a présidé à la création et à l'extension d'un réseau associatif national d'aide aux victimes pour apporter des réponses individualisées aux victimes et leur permettre un accès facilité à la Commission d'Indemnisation des Victimes (CIVI). En 1986, il crée l'INAVEM (Institut National d'Aide aux Victimes et de Médiation) qui regroupe et coordonne 150 services d'aide aux victimes répartis sur l'ensemble du territoire national. L'INAVEM, est une instance administrative et coordinatrice qui ne reçoit pas de victimes. Elle est à la fois le garant de la qualité des 150 associations adhérentes d'aide aux victimes (notamment par l'exigence de formation des accueillants) et un soutien technique. La Chancellerie est le principal financeur de ces associations et définit l'aide aux victimes comme "un prolongement de la mission de service public de la justice". Les services d'aide aux victimes et l'INAVEM ont pour vocation de mettre en oeuvre la politique initiée par le Ministère de la Justice en faveur des victimes " (Lettre de l'INAVEM, décembre 1992, n°9). Les associations d'aide aux victimes n'ont pas pour mission de représenter les intérêts de la victime auprès des tribunaux, mais de l'écouter, l'informer, l'orienter et, si besoin, d'effectuer un accompagnement juridique et psychologique tout au long de la procédure judiciaire. Cet accompagnement est assuré essentiellement par des juristes et des psychologues. Dans certaines associations, des bénévoles assurent encore les premiers entretiens d'accueil, mais cette pratique tend à se raréfier en raison de la politique actuelle de professionnalisation du réseau.

Les liens entre la justice et ces associations sont extrêmement étroits. En effet, leur origine, leur implantation dans les principaux Tribunaux de Grande Instance, le fait que les administrateurs de ces associations soient généralement des magistrats ou des auxiliaires de justice (beaucoup plus rarement des professionnels de la santé) a permis d'ancrer ce mouvement d'aide aux victimes dans un cadre légal et institutionnel au sein du monde judiciaire. De ce fait, l'information juridique et l'accès à l'indemnisation sont restés longtemps leur mission première, et les associations se sont montrées de plus en plus performantes dans ce domaine. La dimension psychologique a pris, ces dernières années, de plus en plus d'importance. A ce jour, près d'une cinquantaine d'associations ont embauché un ou des psychologues. Ceux-ci ont pour mission d'apporter un soutien psychologique auprès des victimes d'infractions pénales ou d'événements catastrophiques, depuis la commission des faits (post-immédiat) jusqu'à la fin de la procédure pénale (ou une durée équivalente). Sauf cas particulier, ils n'ont pas pour mission d'intervenir en urgence sur le site même de commission des faits. Ils accueillent non seulement les victimes directes d'un événement traumatique mais aussi les victimes indirectes (témoins, intervenants) et les victimes par ricochet (les proches). En fonction des cas, cette aide psychologique sera individuelle ou collective.

Les psychologues des services d'aide aux victimes peuvent être saisis de trois façons différentes. Le plus souvent, les victimes ont été informées et/ou orientées par un professionnel (policier, magistrat, médecin, travailleur social) ou par une brochure d'information. D'autre part, des conventions ont été signées entre l'INAVEM ou le service d'aide aux victimes local, des entreprises (banques, sociétés de transport de fonds) et des collectivités telles que l'Éducation Nationale. Enfin, un Ministère ou un procureur peut mandater l'INAVEM et/ou une association d'aide aux victimes locale pour apporter une aide globale (psychologique, sociale et juridique) aux victimes d'un événement particulier (attentat, prise d'otage, catastrophe aérienne, accident de la voie publique par exemple).

Pourquoi la présence du psychologue est-elle indispensable au sein de ces services d'aide aux victimes ?

Parce que les personnes victimes d'un événement traumatique sont morcelées à la fois par l'acte qu'elles ont subi mais aussi par la multiplicité des intervenants qu'elles rencontrent (policier, médecin, magistrat, expert, assureur, avocat...), elles ne sont pas à même, du moins dans un premier temps, d'appréhender la différenciation des rôles et des missions de chacun. Le psychologue peut jouer un rôle de lien et rétablir une continuité psychique en instaurant un cadre unifié d'intervention. Grâce à cette rencontre singulière, l'expérience traumatique peut devenir réelle, représentée et s'inscrire dans une histoire et dans le passé. Cette inscription sera favorisée par la rencontre avec la loi qui est un moment réparateur essentiel, mais qui ne suffit pas toujours à endiguer les répercussions psychologiques du traumatisme. Effectivement, les personnes traumatisées peuvent être dans un état d'impuissance psychique et, seule, l'aide à la verbalisation de la souffrance, même si elle est douloureuse, leur permettra d'élaborer le sens que cet événement a pris pour elles et de rester le sujet de ce qui leur arrive. C'est à la fois en donnant un sens personnel à l'événement, mais aussi en étant reconnues en tant que victimes par la collectivité, qu'elles parviendront à se dégager d'un statut de victime qui pourrait les assujettir. En effet, il ne s'agit pas de leur reconnaître seulement ce statut de victime qu'il faudra dépasser ensuite, mais d'abord un statut de sujet pensant. Percevoir le sujet " au-delà de l'événement ", c'est à la fois l'envisager pour lui-même (et non pas dans un but déterminé comme peut le faire l'expert, l'avocat ou le magistrat par exemple), comprendre qui il est dans sa globalité, et resituer l'événement traumatique dans l'ensemble de son économie psychique. De plus, les sujets doivent avoir le choix de leur lieu d'accueil. Si l'état de certains nécessite un traitement médicamenteux ou qu'ils préfèrent se rendre à l'hôpital, d'autres choisissent une structure associative pour plusieurs raisons : une association est un lieu neutre, moins associé à la pathologie qu'un service psychiatrique. La prise en charge y est gratuite et globale - psychologique et juridique -, et nous souhaiterions que des travailleurs sociaux puissent prochainement compléter les équipes. La spécificité du travail des psychologues de services d'aide aux victimes tient à la nécessaire prise en compte de l'intrication entre les réalités psychique et judiciaire. Il se doit d'accompagner le sujet dans son cheminement psychique, tout en considérant la réalité des faits subis et le parcours judiciaire.

Les entretiens psychologiques individuels

Une agression violente et imprévue peut provoquer une véritable désorganisation psychique et l'intervention psychologique sera d'autant plus efficace qu'elle interviendra précocement et se situera au plus près du traumatisme et ce, quelle que soit la gravité de l'agression. Que deviennent les individus qui ne peuvent exprimer leur détresse ou leur désarroi après une agression ? Le risque à terme est double : d'une part, la désorganisation inévitable des premiers temps peut devenir chronique et la victime s'installer dans un " processus de victimisation ". Par contre, si les conditions du premier accueil et l'accompagnement sont satisfaisants, les répercussions psychologiques seront moindres. Même en l'absence de blessures physiques, les souffrances psychiques doivent être prises en compte. Il n'y a pas toujours équivalence entre les atteintes physiques et les traumatismes psychiques. Bien sûr, les actes les plus graves ont pratiquement toujours des conséquences dramatiques pour l'intégrité de la personne : l'inceste, les agressions sexuelles, l'assassinat d'un proche, qui mettent en péril leur unité. Dans tous ces cas, il est préférable de proposer systématiquement un entretien psychologique même si apparemment " tout va bien ". Dans ce domaine de l'effraction, il faut pouvoir aller au-delà du visible : certaines blessures psychiques déchirent et détruisent d'autant plus qu'elles sont méconnues.

Les premiers entretiens sont contaminés par la violence du vécu traumatique. Les premiers temps suivant l'agression, la victime est le plus souvent anéantie, envahie par des sentiments de honte, de culpabilité, l'angoisse de mort et parfois de haine violente. La parole ne peut être immédiatement interprétative. Notre espace de travail se conçoit d'abord comme un contenant, une aire transitionnelle qui peut accueillir les affects violents, le morcellement de l'individu, la défaillance des enveloppes psychiques, l'irreprésentable, avant même d'envisager une réorganisation psychique. Le cadre ainsi établi permet de contenir les angoisses primitives d'effondrement du moi. Le thérapeute se doit de jouer le rôle de pare-excitations qui lui a fait défaut lors de l'effraction traumatique. En permettant au patient de s'identifier à ce cadre maternel, on peut restaurer une continuité psychique, une nouvelle enveloppe protectrice et colmater les diverses fractures, ruptures et effractions. Dans cet espace transitionnel ainsi créé, le thérapeute se doit d'être actif et capable d'empathie rapide mais sans se perdre dans une identification trop massive qui pourrait le disqualifier par la suite. Être actif, c'est soutenir par des relances et favoriser un questionnement personnel, c'est reprendre le déroulement de l'événement et verbaliser les éprouvés sensoriels, corporels, les affects et les émotions qui y sont attachés en faisant advenir les représentations. La verbalisation de la souffrance, même si elle est douloureuse, permet à la victime d'être en mesure de l'élaborer et de rester le sujet de ce qui lui arrive. Le thérapeute se doit d'éviter deux écueils majeurs : le déni ou l'évitement défensifs de l'événement et sa répétition descriptive systématique sans reprise élaborative. La reproduction de ce qui a été vécu pourrait être traumatique en soi. Il ne s'agit donc pas de se contenter de faire répéter, d'obtenir un récit descriptif ou seulement factuel de l'événement, mais de le lier, de l'inscrire dans une économie psychique et dans une histoire singulière : ce n'est pas tant la réalité de l'événement qui importe que ce que le sujet en fait. De cette façon, il pourra se dégager de l'emprise de l'horreur et de ses seules pulsions partielles (scopiques notamment) par ce travail de représentation, de secondarisation des éprouvés sensoriels et émotionnels et de mise en lien. La verbalisation ainsi définie ne se réduit pas à une simple abréaction à valeur purement économique de réduction de tension. Il y a trop souvent confusion entre verbalisation et abréaction. Les premiers soins psychiques visent plus à colmater l'effraction, restaurer, contenir plutôt qu'à déclencher une abréaction hémorragique aux vertus illusoirement purgatives. Si les effets immédiats de celle-ci peuvent être spectaculaires, ils sont loin de suffire. En effet, le traumatisme psychique, bien plus qu'un débordement ou une simple effraction du pare-excitations est avant tout une rencontre avec sa propre mort. Il ne se réduit pas à une simple liste de symptômes à éradiquer. Il ne suffit donc pas de répondre uniquement à la demande première des sujets qui souhaitent obtenir une sédation rapide de symptômes, mais de les aider à leur donner un sens en établissant des connexions psychiques entre les contenus, les affects, à les inscrire dans une configuration fantasmatique, où se rencontrent la honte, la culpabilité, les angoisses mortifères, la violence et la haine.

Ce travail psychique peut prendre du temps. Pour cela, on ne peut se contenter de l'habituel " revenez si cela ne va pas " même si (et surtout) apparemment " tout va bien ". Il est préférable de proposer des rendez-vous d'une semaine à l'autre (voire plusieurs fois par semaine dans les premiers temps). Il faut pouvoir prendre le temps de revisiter la scène traumatique et les liens qui ne manquent pas de se nouer avec d'autres scènes, d'aborder la haine, la honte et la culpabilité sans les évacuer intempestivement, et de désamorcer la temporalité d'urgence imposée par le trauma. Pour le plus grand nombre de victimes, une dizaine d'entretiens apparemment suffisent sur une durée de un à six mois. Par contre, une désorganisation psychique massive peut nécessiter un suivi plus long et soutenu.

Le debriefing psychodynamique collectif

Le terme de debriefing, très à la mode, est actuellement trop largement galvaudé et utilisé à mauvais escient. Or, cette technique et ses indications sont très précises. Elles ont été définies dans l'article de LEBIGOT, DAMIANI et MATHIEU (2001). La quasi totalité des psychologues salariés du réseau INAVEM ont été formés à la technique du debriefing psychodynamique, différenciée de celle, originelle, de MITCHELL. Elle s'adresse exclusivement à des groupes homogènes : des groupes de sujets préalablement constitués et directement confrontés à l'événement traumatique. Les groupes sont différenciés en fonction de leur proximité et de leur implication avec l'événement. Ce debriefing se pratique entre 72 heures à une semaine après les faits. C'est au psychologue de l'association d'en poser l'indication. S'il est l'animateur d'un debriefing collectif, il le fait toujours dans un cadre défini et préétabli, notamment par voie conventionnelle. Généralement, il est secondé par un co-animateur et si nécessaire, il doit organiser plusieurs groupes en parallèle. Ceci multiplie le nombre de psychologues mobilisés et dépasse parfois les capacités de réponse de l'association. Il est donc indispensable de le prévoir et de se rapprocher d'autres thérapeutes formés à cette technique qui pourraient ponctuellement renforcer l'équipe en cas de nécessité.

Les groupes de parole

La prise en charge individuelle ne convient pas à certains sujets, du moins dans un premier temps. Il y a de nombreuses demandes de groupes de parole de la part de victimes d'inceste aujourd'hui majeures, de violences conjugales, d'agressions sexuelles ou de catastrophes collectives. C'est une pratique difficile qui exige une grande expérience clinique et une solide connaissance du fonctionnement des groupes. Des thérapeutes qui s'y ont essayé ont abandonné. Quels sont les avantages du groupe ? il favorise la circulation de la parole et l'émergence de contenus indicibles. Des affects, des représentations peuvent être rendus plus accessibles et verbalisés qu'en entretiens individuels. La violence, la honte et la culpabilité sont aussi plus facilement réglés par le groupe. Les sujets, même s'ils ne s'expriment pas tous, sont enrichis par l'introjection de ce qu'il apporte. Mais les processus identificatoires sont complexes. Les animateurs doivent impérativement poser et respecter le cadre eux-mêmes (notamment la règle de neutralité) pour éviter que le groupe d'aide ne devienne un groupe de partage qui ne servirait qu'à alimenter une problématique commune. Les membres du groupe exercent une formidable pression pour absorber les thérapeutes qui pourraient se disqualifier dans une identification trop massive. Nous estimons que le groupe doit ouvrir à un questionnement personnel. Il offre au participant la possibilité de distinguer ce qui appartient à tous (une problématique et/ou une symptomatologie commune) et ce qui lui appartient en propre. Ces groupes ne devraient donc pas perdurer trop longtemps, sinon ils risqueraient de conforter le sujet dans une identité exclusive de victime et dans la croyance que " seul le groupe me comprend " " je ne suis bien que dans le groupe ". Il y aurait alors une dérive à ce que le groupe, cimenté par l'illusion groupale, représente le seul support identificatoire valable. Une supervision extérieure permet d'éviter les dérapages.

L'accueil psychologique des familles

Il peut arriver ponctuellement qu'un proche d'une victime adulte demande une consultation. Le conjoint, un parent, un frère ou une sœur peuvent s'adresser au psychologue de l'association et si besoin, nous effectuons une orientation. Par contre, cette demande est beaucoup plus courante de la part de parents d'enfants victimes. Dans ce cas, après un examen psychologique, nous orientons l'enfant auprès d'un service de pédopsychiatrie avec lequel l'association a signé une convention. Le ou les parents, souvent démunis, bénéficient alors d'un soutien psychologique à l'association, de façon à redevenir eux-mêmes étayants pour leurs enfants. Nous recevons aussi régulièrement les parents d'enfants assassinés. Ce sont généralement les suivis les plus longs.

Les orientations et les relais

Dans la plupart des cas, les psychologues des services d'aide aux victimes effectuent eux-mêmes le soutien psychologique des victimes reçues à l'association. Mais lorsque la personnalité de la victime nous paraît trop fragile ou la désorganisation psychique trop importante nous effectuons une orientation thérapeutique. Notre travail consiste aussi à élaborer une demande et à préparer une psychothérapie dans un autre lieu. Nous travaillons ainsi à " délocaliser " la demande : c'est-à-dire à transformer une plainte de victime en demande de sujet. Lorsque nous envisageons une orientation, pour éviter que ne se mette en place un transfert latéral qui gênerait un travail thérapeutique ultérieur, nous avons choisi de " contractualiser " notre intervention. C'est-à-dire que nous proposons au sujet un certain nombre de séances ou une durée approximative de suivi. D'une façon ou d'une autre, le sujet est informé de la mission du service : le suivi ne pourra pas excéder la durée de la procédure (ou une durée équivalente). Nous orientons les patients dès que la problématique antérieure prend largement le pas sur le trauma. A la fin de la prise en charge (ou même avant si besoin), nous remettons une attestation indiquant la durée et les motifs du suivi (présence d'un choc psychotraumatique...). Cette attestation peut être utilisée dans le cadre d'une procédure en réparation (CIVI ou autre).

Il est donc important de développer des réseaux, des contacts avec l'extérieur, qui garantissent une continuité dans la prise en charge, grâce à une perception exacte des possibilités d'intervention de chacun. Aussi, la connaissance du tissu social est indispensable. Il nous a semblé nécessaire, pour améliorer les orientations, de signer des conventions notamment avec des services de psychiatrie adulte ou de pédopsychiatrie. Ces conventions garantissent des délais d'attente plus courts et un accueil plus personnalisé, car les thérapeutes sont identifiés. Une étude en cours, menée auprès d'une centaine de sujets, montre l'inefficacité des relais. D'après les premiers chiffres, moins de 3% des sujets orientés se rendraient au service indiqué. Reste à préciser ces chiffres, à les interpréter et à faire des propositions pour les améliorer. 

Réalité psychique et réalité judiciaire

La thérapie d'un sujet victime d'un événement traumatique s'inscrit dans une démarche de réparation plus globale où se nouent les registres psychologique, social et juridique. La thérapie est, du moins dans un premier temps, très dépendante des aléas de la procédure pénale. Pour cette raison, le soutien psychologique est doublé, dans les associations d'aide aux victimes, par un accompagnement tout au long de la procédure judiciaire, effectué par un juriste. Nous l'avons déjà souvent évoqué, la réparation psychologique s'appuie sur la réparation juridique bien qu'elle ne s'y réduise pas. Or, le but premier de la justice n'est pas d'être thérapeutique mais d'être un tant soit peu réparatrice, à condition de ne pas en attendre ce qu'elle ne peut apporter. Réalité psychique et réalité juridique doivent être conciliées mais non confondues. La réalité psychique est issue de la conjonction entre l'acte subi par le sujet et sa traduction interne, la " réécriture intérieure " qu'il en fait. Il s'agit d'une reconstruction psychique, dont la dimension subjective s'origine dans une configuration fantasmatique où la culpabilité fait lien entre l'histoire personnelle et l'événement subi. La réalité psychique diffère en cela de la réalité événementielle : celle-ci est subordonnée à l'exactitude des faits. Elle est l'objet des investigations judiciaires, où responsabilité et culpabilité doivent être clairement établies et réparties : qui a fait quoi, qui est victime et qui est coupable ? Ainsi, magistrats et psychologues, avec la victime, élaborent à leur manière une histoire : ce n'est pas la même, car la réalité sur laquelle elle est fondée est différente. L'un a pour fonction d'établir une histoire fondée sur la réalité des faits commis et subis et d'en juger, l'autre d'intégrer un événement traumatique dans une réalité psychique.

Le psychologue se doit d'écouter la parole de la victime sans prendre parti, sans se placer du côté des supposés bons objets. Ce n'est pas une simple écoute d'une vérité événementielle mais avant tout une écoute du fantasme et du désir. Il est là pour le sujet (pas pour entendre la vérité, le défendre, l'accuser... ). Sa parole est prise comme telle. Ses sentiments de culpabilité conscients et inconscients sont questionnés et reliés à l'ensemble de son économie psychique. Il se réfère à la Loi symbolique, non écrite, qui règle les rapports humains, en référence aux deux tabous fondamentaux du meurtre et de l'inceste. Le travail thérapeutique s'inscrit dans cette référence à la loi symbolique qui différencie, subjective et assigne à chacun la place qui est la sienne. Le magistrat, lui, invoque les lois de la cité et de la république dont il est le garant. Il peut faire tiers entre victime et auteur en apportant un cadre d'intervention et en positionnant chacun dans sa culpabilité. Il est à la croisée entre loi symbolique et loi pénale qu'il est chargé d'appliquer. Son rôle, comme celui du psychologue est donc essentiel, mais leurs cadres de référence et d'intervention ne doivent jamais être confondus. Chacun doit rester à la place qui est la sienne.

Le sujet attend de son parcours pénal une reconnaissance sociale et publique. Il veut être reconnu comme victime et que l'auteur des faits soit reconnu coupable et sanctionné pour les faits commis. S'il n'obtient pas cette reconnaissance (non lieu, classement sans suite sans justification), il peut la revendiquer et s'y accrocher désespérément. Cependant, le sujet doit perdre l'illusion que la procédure pénale sera le lieu unique de sa reconnaissance et de sa reconstruction, ce qui lui permettrait de faire l'économie d'un cheminement personnel. En effet, le devenir d'un individu victime est marqué à la fois par l'élaboration de ce qu'il a subi et par le chemin judiciaire parcouru. Le parcours judiciaire que d'aucuns considèrent comme initiatique peut être aussi semé d'embûches et générateur de " traumatismes secondaires " ou de " victimisation secondaire ", qui ne feront que renforcer le traumatisme initial et le sentiment d'injustice : instruction trop longue, expertise ne prenant pas en compte le préjudice psychologique, confrontations mal préparées, mandataires qui laissent miroiter des sanctions irréalisables... Aussi, un accompagnement par un juriste de l'association sera-t-il l'occasion d'apporter des informations claires, d'expliquer précisément chaque étape et ne pas entretenir des espoirs impossibles. Le psychologue, quant à lui, peut " traduire " le contenu des expertises psychologiques, préparer aux confrontations et aux audiences de jugement. 

Le procès représente le moment crucial du parcours. Si le trauma est effraction, le procès se doit d'être " fermeture ". Les victimes verbalisent quasiment toujours ce besoin de clore et de s'autoriser à " passer à autre chose ". Elles en attendent une réparation qu'elles savent plus ou moins impossible mais qu'elles espèrent toujours. Il est donc important de les préparer, en collaboration avec les juristes de l'association, qui peuvent faire visiter la salle d'assises, apporter des informations sur la constitution de partie civile et le déroulement du procès. Le psychologue travaille sur les attentes et les représentations, les " mythes " du procès de façon collective s'il y a plusieurs victimes d'un même événement. Dans certains cas, il peut être présent à l'audience (s'il n'est pas le thérapeute d'une ou plusieurs victimes). Un mois environ après le procès, un dernier groupe de parole permet de clôturer cette prise en charge. Les échanges sont généralement fructueux et il n'est vraiment pas rare de constater que la haine et la culpabilité ont trouvé un début d'exutoire. Si le procès s'est bien déroulé, il représente pour eux le véritable début du travail de deuil parce qu'ils ne sont plus soutenus par l'attente et par leurs seuls sentiments de vengeance, mais deviennent capables un tant soit peu de compassion. Ils peuvent enfin faire le deuil d'une réparation totale, idéale, d'une sanction qui comblerait leurs pertes. Cette confrontation avec la réalité est brutale mais nécessaire, et l'après-coup dépressif plutôt structurant. Ils peuvent enfin se séparer de l'auteur, publiquement reconnu comme coupable et responsable. Malgré cela, il en reste une insatisfaction et une souffrance que seule l'élaboration personnelle pourra transformer en nouvel élan vers la vie, s'ils le peuvent.

Réparation et indemnisation

L'indemnisation est la dernière étape d'une réparation qui s'inscrit dans un échange social. L'indemnité est déterminée en fonction des différents préjudices, mais le préjudice psychologique n'est pas toujours pris en compte, surtout s'il n'y a pas de blessures physiques visibles. Un certificat médical initial qui fait état d'un choc psychologique immédiatement après les faits en facilitera la prise en compte. Aussi, nous proposons au sujet lorsque cette constatation n'apparaît pas, de rédiger une attestation ou faire établir un certificat médical par un médecin psychiatre, qui fait état de troubles psychologiques en lien direct avec l'infraction. L'expert qui devra déterminer l'IPP (Incapacité Permanente Partielle), disposera donc d'éléments qui s'ajouteront à ses propres observations pour chiffrer le préjudice. Dans certains cas, il est souhaitable d'orienter le sujet auprès d'un médecin psychiatre qui, après l'avoir examiné, pourra l'accompagner à l'expertise.

Là encore, l'indemnisation financière représente un étayage certain dans la réalité à condition que le sujet qui en est bénéficiaire puisse lui accorder un sens. Elle ne gommera pas les blessures mais elle peut aider le sujet à se détourner de l'horreur, à retrouver le chemin de la vie, à ne plus rien attendre de l'Autre, donc à redevenir tout simplement sujet de sa propre histoire, marqué par un souvenir qui ne fera plus trop souffrir. Pour y parvenir, il devra se dégager de la fascination et de la jouissance que le trauma pourrait encore procurer, de la tentation de s'accrocher au bénéfice du statut de victime, voire même de victime culte ou de victime fétiche.

 

Références bibliographiques

L. CROCQ, La cellule d'urgence médico-psychologique. Sa création, son organisation, ses interventions, In Annales Médico-psychologiques, 1998-156, pp. 48-54.
C. DAMIANI, Les victimes, Paris, Ed. Bayard, 1998, 278 p.
C. DAMIANI et coll., Enfants victimes et violences sexuelles : quel devenir ?, Paris, Hommes et perspectives, 271 p.
J. GORTAIS, L'aide psychologique aux victimes, Rapport pour le Ministère de la Justice, multigraph., 1991, 89 p.
F. LEBIGOT, C. DAMIANI, B. MATHIEU, Le debriefing psychologique, In M. de CLERCQ et F. LEBIGOT, Le traumatisme psychique, Paris, Masson.


La présomption d'innocence et les droits des victimes
(Loi du 15 juin 2000)

De nouveaux droits pour les victimes

Les victimes sont mieux accueillies, mieux écoutées, mieux protégées et mieux indemnisées.


La plainte
Désormais, afin de simplifier les démarches des victimes, celles-ci peuvent porter plainte auprès de toute brigade de gendarmerie ou de tout commissariat, quel que soit le lieu où a été commise l'infraction.

Les policiers ou les gendarmes transmettent la plainte au parquet compétent.

Le droit d’être informé
La gendarmerie, la police et l'autorité judiciaire doivent informer les victimes de leurs droits, notamment le droit de se constituer partie civile pour obtenir réparation du préjudice subi.

La constitution de partie civile

La loi facilite la constitution de partie civile qui leur permet d’obtenir réparation de leur préjudice. Les victimes ont de nouveaux droits pour mieux être associées notamment à l'instruction.

L’indemnisation des victimes
d’infractions pénales

La loi élargit la possibilité pour les victimes d’obtenir une indemnisation par les commissions d'indemnisation des victimes d’infractions pénales (CIVI) : ainsi, les personnes victimes de préjudices survenus à la suite de dégradations ou d’extorsions de fonds et les personnes victimes de préjudices psychologiques sont indemnisables.

Les associations d'aide aux victimes

Pour aider la victime d'une infraction, le procureur de la République peut recourir à une association d'aide aux victimes plus largement qu'auparavant (information juridique, écoute psychologique, aide à la constitution d’un dossier…).

La protection de l’image des victimes
La loi créé l’infraction d'atteinte à la dignité de la victime d'un crime ou d'un délit. Elle réprime, si la victime le demande, la reproduction de certaines images qui pourraient porter atteinte à sa dignité.

Les droits des victimes dans le procès
Les arguments de toutes les parties (victime, procureur
et défense) doivent être entendus par chacune et par le juge et échangés lors de la procédure. Cette mesure vise à faire respecter le caractère contradictoire de la procédure pénale afin de garantir un procès
équitable. L’équilibre des droits des mieux assuré. Depuis la loi, toutes les parties au procès bénéficient des mêmes droits.



 Les parties civiles, tout comme la défense, disposent ainsi de droits égaux à ceux du procureur.
• Elles peuvent demander des actes, des confrontations, des expertises, des perquisitions ou des transports sur les lieux, faire mieux valoir leurs arguments face à la défense ou au juge d’instruction.
• Elles peuvent directement interroger les témoins
à l’audience.

 La durée de l’instruction
Les victimes parties civiles (ainsi que les personnes mises en examen) disposent d’un droit de regard sur la durée de l’instruction : le juge d'instruction doit indiquer dès le début de l'information sa durée prévisible. En cas de dépassement, la chambre de l’instruction peut être saisie.

 Les audiences publiques

Pour certains actes de la procédure, la loi instaure des audiences publiques. Ainsi le citoyen pourra être informé des éléments qui justifient la demande de détention provisoire.


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