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Tolérance "zéro"... : une utopie qui mène à la récidive
Réforme des prisons, tolérance "zéro"...
- le point de vue du Dr Véronique VASSEUR, Auteur du Livre "Médecin-Chef à la Prison de la Santé" (Le Cherche-Midi Editeur ) - paru dans l'Express du 14.02.02 (titre de l'article : "On veut faire taire tout le monde")
Vous pensez que la réforme des prisons ne verra pas le jour ?
On peut le craindre, en effet. En plus, on a vu apparaître dans la dernière mouture du projet des choses incroyables, comme le secret professionnel imposé à tous les personnels et intervenants en détention ou l'armement des surveillants. Que cherche-t-on au juste? On veut faire taire tout le monde et on durcit un peu plus encore le face-à-face entre gardiens et détenus... Cela n'a aucun sens. Par ailleurs, l'amélioration des conditions matérielles est certes une nécessité, mais ce n'est pas la priorité. Le plan de 10 milliards de francs pour rénover le «parc pénitentiaire» est une erreur magistrale. Il fallait se garder d'augmenter le nombre de places. On ne rend service à personne en continuant à construire des prisons. Par ailleurs, il faut faire entrer le droit dans cet univers où l'arbitraire règne en maître absolu. Ni la société ni les victimes n'ont intérêt à ce que la prison continue à être ce congélateur d'où les gens ressortent inchangés, cette usine à récidive d'où les gens sortent plus abîmés, plus détruits, donc plus dangereux.La chancellerie s'est moquée du monde. Elle n'a eu aucune volonté de réformer la prison, alors qu'à l'unanimité les parlementaires avaient dressé un réquisitoire sans appel. Du coup, on a raté une chance historique en refusant de répondre à des questions fondamentales: qui va en prison, pour y faire quoi et pour combien de temps? Comment réduire les violences carcérales, et notamment les suicides et les automutilations? De tout cela le projet de loi pénitentiaire du gouvernement ne dit rien. C'est inadmissible.
Or on incarcère de plus en plus au nom de la «tolérance zéro».
C'est le degré zéro de la pensée en matière de délinquance et de sanction. C'est de la paresse intellectuelle, la démagogie électorale la plus éculée. La société change et la prison demeure immuable, alors qu'on n'ignore plus ce qu'elle est: le cul-de-basse-fosse de toute la misère sociale. A quoi bon persister à envoyer les mineurs en prison quand leur taux de récidive approche les 90%? Il faudrait plutôt s'inspirer de l'évolution de pays comme l'Espagne, qui se refuse à tout recours à l'incarcération et assume le choix de la formation, de l'enseignement, de la réparation et de la médiation. La prison ne sert à rien pour tous ces gens-là. C'est du simple bon sens.
