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Extrait du Rapport du Sénat - 2000

Prisons : une humiliation pour la République

HYEST (Jean-Jacques), Président ; CABANEL (Guy-Pierre), Rapporteur

                                                            RAPPORT 449, Tome 1 (1999-2000) - commission d'enquête


 

LES CONSÉQUENCES DE LA SURPOPULATION DES MAISONS D'ARRÊT

La surpopulation des maisons d'arrêt, cette " première violence de la prison"37, celle qui consiste à mettre deux détenus, voire trois ou quatre dans 9 m2, a les conséquences les plus graves sur les conditions de détention.

Les détenus placés en maison d'arrêt ne disposent pas du même " régime " que celui appliqué dans les établissements pour peine : " le régime appliqué dans les maisons d'arrêt est celui de l'emprisonnement individuel de jour et de nuit dans toute la mesure où la distribution des lieux le permet et sauf contre-indication médicale " (art. D. 83 du code de procédure pénale), alors que " le régime des maisons centrales et des centres de détention comporte [seulement] l'isolement de nuit " (art. D. 95 du code de procédure pénale).

Pour autant, le " régime maison d'arrêt " ne fait pas obstacle, selon les propres termes de l'article D. 83, à ce que " soient organisées des activités collectives ou des activités dirigées " : sport, formation, activités socioculturelles. De fait, le code de procédure pénale -en dehors des articles précités- ne fait pas de différence, lorsqu'il aborde tel ou tel élément de la vie en détention, entre les maisons d'arrêt et les établissements pour peine.

La commission a constaté que la réalité était tout autre : en maison d'arrêt, le détenu peut rester 22 à 23 heures sur 24 dans sa cellule. La télévision reste ainsi constamment allumée, parfois avec le son coupé, les détenus écoutant de la musique tout en laissant défiler sur l'écran des images privées de sens.

Les rares maisons d'arrêt qui proposent toute la palette des activités collectives (travail, sport, formation) sont celles qui disposent de locaux et de terrains adaptés.

Mais avant toute chose, la vétusté des bâtiments, conjuguée à la surpopulation, explique que les conditions de détention dans les maisons d'arrêt ne sont pas dignes de notre pays.

1. La conjonction de la vétusté des bâtiments et de la surpopulation : des conditions d'hygiène souvent dégradantes

a) Une hygiène générale défaillante

Il existe en ce domaine une contradiction totale entre le " droit " et la réalité. En effet, les dispositions réglementaires du code de procédure pénale (Section II du Chapitre VIII du Titre II) édictent des règles très précises, relatives au cubage d'air, à l'éclairage, au chauffage et à l'aération des locaux de détention.

Les règles d'hygiène posées par le code de procédure pénale

Article D. 349 : L'incarcération doit être subie dans des conditions satisfaisantes d'hygiène et de sécurité, tant en ce qui concerne l'aménagement et l'entretien des bâtiments

Article D. 350 : Les locaux de détention et, en particulier, ceux qui sont destinés au logement, doivent répondre aux exigences de l'hygiène, compte tenu du climat, notamment en ce qui concerne le cubage d'air, l'éclairage, le chauffage et " l'aération ".

Article D. 351 : Dans tout local où les détenus séjournent, les fenêtres doivent être suffisamment grandes pour que ceux-ci puissent lire et travailler à la lumière naturelle. L'agencement de ces fenêtres doit permettre l'entrée d'air frais. La lumière artificielle doit être suffisante pour permettre aux détenus de lire ou de travailler sans altérer leur vue.

Les installations sanitaires doivent être propres et décentes. Elles doivent être réparties d'une façon convenable et leur nombre proportionné à l'effectif des détenus.

La commission a constaté que ces règles n'étaient pas, pour la plupart, respectées dans les maisons d'arrêt.

Les établissements construits avant la seconde guerre mondiale n'ont pas été conçus avec l'eau chaude en cellule. Par exemple, la maison d'arrêt de Fresnes n'a pas connu d'évolution majeure depuis sa construction, pourtant novatrice, en 1898, permettant -via un château d'eau- l'acheminement de l'eau courante en cellule.

L'absence d'eau chaude et de douche en cellule oblige les détenus à se rendre en " douches collectives ". Leur nombre est manifestement insuffisant : à la Santé, par exemple, on compte trois douches pour 100 détenus.

Ces douches collectives sont souvent dans un état de dégradation manifeste (salpêtre, moisissures, mousses, carrelage abîmé, présence de cafards, etc.). Leur état de propreté est souvent pour le moins douteux. Les locaux de ventilation s'avèrent inexistants.

Se doucher en prison

Trois douches sont en principe permises, depuis le décret du 8 décembre 1998.

L'article D. 358 du code de procédure pénale précise que " les détenus prennent une douche à leur arrivée à l'établissement. Dans toute la mesure du possible, ils doivent pouvoir se doucher au moins trois fois par semaine ainsi qu'après les séances de sport et au retour du travail. "

Détestable expédient, le système de la " douche médicale " a été inventé pour que certains détenus, souffrant de maladies de peau, bénéficient de douches supplémentaires.

Dans les cellules, les toilettes sont isolées par une modeste cloison, d'une hauteur d'à peine un mètre, pour des raisons " sécuritaires " : le détenu doit pouvoir être vu, à tout moment, par le personnel de surveillance, à travers l'œilleton.

Mais cette contrainte, éventuellement justifiable dans le cadre d'un encellulement individuel, a des conséquences inadmissibles en cas d'encellulement collectif : le détenu est obligé de faire ses besoins naturels devant les autres, ne disposant d'aucune intimité. Le sentiment d'un grand nombre de détenus est celui de l'humiliation permanente.

La hauteur de la cloison des toilettes ne fait pourtant pas partie des règles édictées par le code de procédure pénale.

Votre commission a constaté que les maisons d'arrêt s'étaient finalement résolues à " élever " la hauteur des cloisons sanitaires, la question du coût restant posée.

A la maison d'arrêt du Mans, les détenus ont bricolé des battants en carton, bel exemple de " système D ".

La promiscuité n'incite pas non plus à réaliser des efforts démesurés pour qu'une cellule reste propre. Un détenu pourra facilement reporter sur un autre occupant la responsabilité des dégradations. Les mesures prévues pour obliger les détenus à un certain " civisme " seront alors sans effet.

A Loos-lès-Lille, la direction est confrontée au problème des détritus de toute sorte jetés par les détenus depuis les cellules, dont les fenêtres sont dépourvues de tout grillage. Ces détritus s'accumulent, en dépit des efforts quotidiens de l'administration pour faire nettoyer par les détenus du service général les espaces situés sous les cellules. Outre l'odeur dégagée, les alentours de la prison présentent toutes les caractéristiques d'une décharge sauvage.

b) Le linge personnel à la charge du détenu et de sa famille

Les draps sont normalement lavés tous les quinze jours par l'administration pénitentiaire. Un nouvel occupant doit, en outre, trouver à son arrivée des draps et des couvertures propres.

En réalité, ces normes varient fortement d'un établissement à un autre. Ainsi, les draps sont changés une fois par semaine à la maison d'arrêt de Saint-Malo, mais seulement une fois par mois à celle de Rochefort. De même, la maison d'arrêt de Melun change les couvertures une fois par mois à la demande, mais celles de la maison d'arrêt de Reims ne sont changées qu'une fois par an.

Les maisons d'arrêt disposent de laveries. Pour les plus petites, elles peuvent être amenées à conclure une convention avec la laverie de l'hôpital voisin, ce qui paraît une mesure de bonne gestion.

En revanche, le linge personnel est " à la charge du détenu et de sa famille ". Le " parloir " est le lieu d'échange entre le linge sale et le linge propre, amené par la famille.

La maison d'arrêt de Fleury-Mérogis représente à cet égard une exception : la sortie du linge est interdite.

Les détenus " sans famille " doivent laver leur linge en cellule, ce qui nécessite de l'eau chaude, ou éventuellement sous la douche (exemple de Fleury-Mérogis), puis le faire sécher devant les barreaux, ce qui donne, vu des coursives, une vision parfois pittoresque et confère à certaines de nos maisons d'arrêt un caractère napolitain.

Des maisons d'arrêt prennent en charge le linge des " sans parloir " : on citera l'exemple des maisons d'arrêt d'Albi, Châteauroux38 et de Meaux. Mais cet effort en faveur des plus démunis est loin d'être la règle.

Dans les maisons d'arrêt " 13.000 ", le détenu " paye au kilo de linge ", selon un tarif d'ailleurs variable ; les établissements d'Osny, de Villeneuve-lès-Maguelonne et d'Aix sont, par exemple, dans cette situation.

La tendance actuelle, tout à fait positive, est d'installer, comme dans la plupart des centres de détention, des buanderies à disposition des détenus. Mais ces buanderies posent de lourds problèmes d'organisation : un local est tout d'abord nécessaire ; il devra être fermé, en dehors des heures prévues pour le nettoyage, afin d'éviter tout acte de vandalisme. Enfin, " l'activité " buanderie nécessite une surveillance supplémentaire.

c) Une nourriture de qualité très variable

La qualité de la nourriture, dans un cadre collectif (écoles, hôpitaux...), dépend de l'ingéniosité du cuisinier, du budget disponible et du nombre de repas à servir. Les maisons d'arrêt ne font pas exception à ce constat : la nourriture y est fort différente d'un établissement à un autre.

" Une alimentation variée, bien préparée et présentée... "

Article D. 354 du code de procédure pénale : " Les détenus doivent recevoir une alimentation variée, bien préparée et présentée, répondant tant en ce qui concerne la qualité et la quantité aux règles de la diététique et de l'hygiène, compte tenu de leur âge, de leur état de santé, de la nature de leur travail, et, dans toute la mesure du possible, de leurs convictions philosophiques ou religieuses. "

Les détenus doivent être alimentés par " trois distributions journalières " (art. D. 342 du code de procédure pénale).

La commission d'enquête considère, au vu des menus qu'elle a pu consulter, des repas dont elle a pu suivre la préparation, que la nourriture pénitentiaire n'est pas spécialement infâme. Il semble cependant que la cuisine de la maison d'arrêt de la Santé soit effectivement particulièrement " exécrable ", comme l'a précisé M. Jean-Jacques Dupeyroux au cours de son audition.

Elle a également constaté un grand gaspillage du pain distribué aux détenus. La ration quotidienne, 400 grammes par personne, n'apparaît plus adaptée aux usages alimentaires d'aujourd'hui.

Beaucoup de cuisines sont dans un état d'hygiène peu satisfaisant et ne répondent pas aux nouvelles normes fixées par la réglementation : le " propre " et le " sale " passent par le même endroit.

On citera pour exemples les cuisines de Loos-lès-Lille, de Paris-la Santé, de Fresnes et de Toulon. A la maison d'arrêt de Nice, la cuisine a été fermée suite à une intoxication alimentaire qui a touché une quarantaine de prisonniers.

Il est donc nécessaire que l'administration pénitentiaire initie une " démarche qualité " sur la mise en oeuvre de la réglementation39.

En raison de l'organisation de la distribution, de la configuration des bâtiments et du manque d'entretien des ascenseurs, quand ces derniers existent, la nourriture, portée par des détenus du service général dans des " roulantes ", arrive souvent froide aux détenus.

Les repas préparés à l'extérieur par un concessionnaire apparaîtront peut-être plus séduisants à l'oeil du visiteur extérieur ; pour autant, un phénomène de perte d'appétit, comparable à ce qui se passe dans bon nombre d'hôpitaux, peut se manifester chez les détenus, en raison du " calibrage " et de la présentation en plateaux repas. Les portions de légumes sont insuffisantes : une portion de frites, calculée à 100-110 grammes en gestion déléguée, sera davantage de l'ordre de 300 à 400 grammes dans un établissement à gestion classique.

Comme l'a indiqué M. Jean-Jacques Dupeyroux devant votre commission, " sur le plan calorique, le repas est dosé avec exactitude. Il n'en reste pas moins que ceux qui font du sport, ceux qui sont un peu baraqués préféreraient la roulante distribuant les pommes de terre et les haricots ".

La commission a constaté lors de ses visites qu'un grand nombre de détenus refuse la " nourriture pénitentiaire " par principe, et préfère se nourrir d'un " régime " préparé en cellule, composé essentiellement de pâtes et de barres chocolatées.

Enfin, comme pour l'ensemble de la restauration collective, les établissements pénitentiaires sont confrontés aux changements alimentaires de la population pénale, désormais davantage habituée, dès son plus jeune âge, aux hamburgers-frites qu'aux plats cuisinés.

d) Des parloirs  souvent sordides

Le " parloir " est un moment essentiel pour le détenu. Entre une et trois fois par semaine, il pourra s'entretenir quarante-cinq minutes avec sa famille, sa femme, sa compagne, ses enfants, sous l'oeil de surveillants.

Il va sans dire que l'administration pénitentiaire ne peut que constater que les parloirs permettent le passage de drogues et de stupéfiants, même si des fouilles circonstanciées se déroulent avant et après. Le " parloir " est organisé autour de la fonction sécuritaire de la prison.

La commission a été frappée par l'état généralement critiquable des parloirs.

Tout d'abord, les " abris famille " ; les familles attendent d'accéder aux parloirs dans une salle exiguë, lorsqu'une telle salle existe.

En effet, dans un certain nombre de maisons d'arrêt, les visiteurs sont parqués dans un couloir, sans possibilité de s'asseoir, en attendant de passer sous le portique et de rejoindre leurs proches.

A la maison d'arrêt de Varces, les collectivités territoriales et le barreau ont financé la construction d'un bâtiment clos et couvert. Mais il n'en demeure pas moins, comme l'a signalé le bâtonnier Michel Bénichou devant la commission, que la responsabilité de la construction de tels édifices devrait relever de l'administration pénitentiaire.

Ensuite, le " parloir " lui-même : il s'agit souvent d'un endroit peu pratique d'accès dans la prison, mal nettoyé, mal éclairé, voire sordide comme à Toulon.

A la maison d'arrêt de Fresnes, le parloir est au sous-sol, non loin des cuisines. La lumière artificielle est la règle. Les détenus et leurs familles disposent de peu d'espace.

A la maison d'arrêt de Nanterre, la direction a dû installer un petit dispensaire qui permet aux personnes de se reposer : la circulation dans les couloirs pour rejoindre les parloirs, leur caractère sombre et oppressant provoquent régulièrement des malaises chez certains visiteurs...

D'heureuses exceptions tranchent en matière d'accueil des familles, comme la maison d'arrêt de Melun qui dispose d'un local pour les enfants.

Force est enfin de constater que les rapprochements intimes, pourtant interdits par le règlement intérieur, sont souvent tolérés dans nombre de maisons d'arrêt et surtout de centrales, comme l'a constaté la commission à Clairvaux.

2. Les violences contre soi et contre les autres

Certes, incarcérer des personnes contre leur gré est en soi une situation " violente ".

Pour autant, les manifestations de cette violence, les violences contre soi, les violences contre les autres, ne sont pas une fatalité, et découlent directement de la surpopulation carcérale.

La commission d'enquête a pu se rendre compte, tant lors de ses déplacements sur le terrain que par les réponses apportées au questionnaire envoyé aux 187 établissements pénitentiaires, que les manifestations de cette violence se concentraient principalement dans les maisons d'arrêt, et que la situation de ces établissements était loin d'être identique à cet égard.

a) Les manifestations de la désespérance : les suicides, les automutilations, les grèves de la faim
(1) La prison suicidaire

Le " taux " de suicides en prison est sept fois plus élevé en prison qu'à l'extérieur. Il reste que cette statistique appelle une réserve, en l'absence de comparaison du nombre de suicides en prison et du nombre de suicides dans la population " la plus susceptible d'aller en prison ", mais en situation de liberté. La forte présence de malades mentaux dans les établissements pénitentiaires peut expliquer, pour une part, l'augmentation importante du nombre de suicides sur la période 1990-2000.

A partir de 1992, le nombre de détenus décédés à la suite d'un acte suicidaire a augmenté dans des proportions inquiétantes.

Le nombre de suicides

 

1988

1990

1992

1996

1997

1998

1999

 

77

59

95

138

125

118

125

Prévenus

48

46

60

62

76

60

nd

Condamnés

29

21

35

76

49

58

nd

Quartier disciplinaire

nd

nd

nd

nd

17

9

22

Deux " moments " sont propices au suicide : les premières semaines de la détention (40 % des suicides interviennent dans les trois mois qui suivent l'incarcération, dont plus de la moitié dans les quinze premiers jours40) et les périodes de placement en quartier disciplinaire.

 

Le taux de suicide
(rapport entre le nombre de suicides et la population pénale)

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998

0,19

0,19

0,20

0,24

0,22

0,22

Par ailleurs, le nombre de tentatives de suicide est élevé : 1.006 en 1998, dont 34,4 % par pendaison.

Le Garde des sceaux a engagé une politique de prévention du suicide en milieu carcéral, en constituant un groupe de travail en 1996, et en définissant un plan d'action en janvier 1997.

Une circulaire a été publiée en mai 1998, rappelant les dispositions réglementaires et un programme expérimental a été mis en oeuvre dans onze sites pilotes : tentative d'identification des " sujets à risques " lors de la visite d'entrée et observation plus attentive des personnes détenues considérées comme plus fragiles.

Il reste que bon nombre de suicides pourraient être évités si le personnel pénitentiaire pouvait consacrer davantage de temps à l'écoute des détenus. Les maisons d'arrêt " à taille humaine " visitées par votre commission d'enquête présentent des taux de suicide quasiment nuls : le Mans, Château-Thierry (malgré une " population " toute particulière), Melun, Alençon...

Un très grand nombre d'établissements, dans les réponses au questionnaire de la commission, ont déclaré une absence de suicide dans les dernières années.

Les grands établissements -en raison naturellement de l'effet taille- présentent des statistiques plus préoccupantes.

Les suicides dans les grandes maisons d'arrêt

 

 

Population au 1er janvier 2000

1997

1998

1999

Total

Fresnes

1.854

6

7

5

18

Fleury-Mérogis

3.333

3

6

6

15

Rennes

350

4

3

5

12

Lyon

616

3

2

7

12

Loos

999

6

3

3

12

Rouen

785

4

5

2

11

Marseille

1.563

3

4

3

10

Angers

389

1

5

3

9

Grasse

623

2

1

5

8

Villeneuve-lès-Maguelonne

673

3

1

3

7

Paris-la Santé

1.230

3

0

3

6

Toulouse

464

0

0

5

5

Douai

581

1

1

3

5

Source : réponses au questionnaire de la commission d'enquête du Sénat.

On remarquera également des mauvaises " séries ", par exemple les maisons d'arrêt de Rennes et d'Angers, malgré une population raisonnable (moins de 400 détenus).

La commission a constaté que la " communication " de l'administration pénitentiaire sur le sujet des suicides est le plus souvent déficiente ; la famille est prévenue de manière lapidaire, et de façon tardive. La contre-autopsie lui est fréquemment refusée. Confrontée à un drame, elle peut être amenée à " douter " de la réalité du suicide, ce qui nuit profondément à l'image de l'administration.

Il apparaît d'ailleurs probable qu'un certain nombre de suicides peut recouvrir une autre réalité, celle du meurtre entre codétenus.

(2) Les automutilations

Les automutilations apparaissent en prison à la fois comme une manifestation du désespoir des détenus et comme un moyen d'appeler au secours. Il suffit d'une lame de rasoir pour entailler un bras. Certains détenus exhibent avec fierté leur avant-bras, strié de marques indélébiles.

Votre commission a assisté, quasiment en direct, à une telle automutilation à la maison d'arrêt d'Alençon.

Le sectionnement de doigts et l'ingestion de corps étrangers (fourchettes) ou de produits toxiques sont fréquents. L'automutilation grave peut devenir, au gré des statistiques, une " tentative de suicide " : 139 des 1.006 tentatives de suicide étaient liées à des " automutilations graves " en 1998.

Le nombre d'automutilations n'est cependant pas connu avec précision. Selon M. Jean-Jacques Dupeyroux, il serait de l'ordre de 2.000 par an.

La commission avait posé des questions précises sur ce sujet à l'ensemble des établissements : il s'agissait de préciser le nombre de suicides intervenus depuis dix ans, d'en expliquer les circonstances et d'indiquer l'heure approximative. En ce qui concerne les automutilations, il était demandé d'en retracer l'évolution depuis dix ans.

Les réponses fournies par les établissements manquent le plus souvent de précision. Des établissements sont incapables de chiffrer les automutilations et certains comptent les grèves de la faim dans les automutilations. D'autres enfin classent les tentatives de suicide dans les automutilations.

Le centre de détention de Muret se distingue tout particulièrement, en affirmant son " impossibilité de fournir les éléments de réponse ".

L'imprécision de ces réponses appelle une réserve importante sur la qualité des statistiques de l'administration pénitentiaire, et des conditions dans lesquelles s'effectue aujourd'hui l'agrégation des éléments recueillis dans les 187 établissements pénitentiaires.

Votre commission estime souhaitable que la Direction de l'administration pénitentiaire appelle l'attention des établissements sur la nécessité de disposer de statistiques fiables et actualisées : un directeur d'établissement ne doit pas seulement être jugé en fonction du taux d'évasion (phénomène d'ailleurs quasiment nul en maison d'arrêt), le taux de suicide étant un élément déterminant de l'évaluation d'un établissement pénitentiaire.

(3) Les grèves de la faim... et de la soif

La statistique de l'administration pénitentiaire ne reflète pas la réalité en ce domaine : ne font l'objet d'une signalisation à l'administration centrale que les grèves de la faim d'une durée supérieure à 7 jours ou qui s'accompagnent d'une grève de la soif.

Ces manifestations, même minorées, sont cependant en augmentation :

Les grèves de la faim
(supérieures à 7 jours)

 

1995

1996

1997

1998

783

886

957

953

Dans la très grande majorité des cas, le refus de s'alimenter cesse au cours du premier mois (818 cas sur 953 en 1998) ; 13 détenus ont poursuivi, au cours de l'année 1998, leur grève de la faim au-delà de trois mois.

b) La conséquence de la promiscuité : la progression des agressions

L'une des missions essentielles de l'administration pénitentiaire est de veiller à la sécurité des personnes qui lui ont été confiées par la société. Aujourd'hui, en raison de la surpopulation, cette mission n'est pas correctement assurée dans les maisons d'arrêt françaises.

Deux types d'agressions peuvent être constatés en prison : les agressions contre les surveillants et les agressions entre détenus. Il faut malheureusement y ajouter le cas exceptionnel d'agressions de détenus par les surveillants.

(1) Les agressions contre les surveillants

Les agressions contre les surveillants font le plus souvent l'objet d'une répression systématique. Il suffit d'un mot lâché, d'un mouvement d'épaule, d'un geste d'énervement d'un détenu pour que celui-ci passe devant la commission de discipline, le " prétoire " de la prison.

Elles sont en forte augmentation : le rapport 1998 de l'administration pénitentiaire fait état de 278 agressions contre les membres du personnel (215 agressions en 1997), dont 184 ont entraîné une interruption totale de travail d'au moins un jour.

(2) Les agressions entre détenus

En revanche, les agressions entre détenus sont mal connues : racket, coups et blessures, viols,...

Le racket semble malheureusement être une réalité de tous les jours. Même si le " caïdat " traditionnel n'existe plus, le phénomène de bandes se reconstitue. Le racket est un moyen d'échapper au travail, jugé dégradant, et de continuer à assurer son autorité, au-delà même des murs de la prison.

Les détenus les plus fragiles, les plus isolés, les plus démunis quémandent un peu de cantine en échange du nettoyage de la cellule.

Un détenu victime d'une agression préfère nier, même si celle-ci a été " repérée " par les surveillants. En effet, un " mouchard " risque de subir des représailles très graves. Même si l'agresseur est séparé de l'agressé, l'administration pénitentiaire ne peut promettre au second, qu'au hasard des transferts entre maisons d'arrêts et centres pénitentiaires, il ne retombera pas sur le premier. De plus, le " téléphone arabe " de la prison fera du dénonciateur un exclu, qui devra être placé, jusqu'à la fin de sa détention, en quartier d'isolement.

Les agressions sexuelles se déroulent à la fois en cellule et dans les douches collectives. Un détenu peut être contraint à des relations sexuelles, soit par la menace, soit par le chantage.

La commission a pu constater que le " tabou " des relations sexuelles en prison semblait en passe d'être levé, comme le montre la distribution de préservatifs à l'entrée des UCSA. Ce tabou ne s'explique pas seulement par la pudeur de l'administration pénitentiaire ; il est difficile à une population masculine présentant un discours fortement " machiste ", niant l'évidence avec l'énergie du désespoir (" On n'est pas des gonzesses ou des pédés ! ") et affichant aux murs de sa cellule des posters de revues érotiques oscillant entre le soft et le hard, de reconnaître qu'elle se livre nolens volens à des pratiques homosexuelles.

Les douches collectives nécessitent une gestion " lourde " de personnels et posent de graves problèmes de sécurité. Le surveillant reste à l'extérieur des cabines, en vue d'un autre surveillant susceptible de lui prêter secours et d'appeler du renfort.

Dans la pratique, les surveillants peuvent être conduits, par lassitude et résignation, à " fermer les yeux " sur les règlements de comptes.

Il reste que, le plus souvent, ces incidents ont lieu en leur absence ; dès lors, le surveillant est la personne la mieux à même de repérer le détenu qui ne se lève pas, qui mange peu, qui ne rejoint pas les autres à la promenade : son isolement est alors incontournable.

(3) Les violences exercées par les personnels contre les détenus

Les violences exercées contre les détenus par les surveillants sont un phénomène exceptionnel.

Comme l'a indiqué M. Ivan Zakine devant la commission, " les critiques sont rarissimes à l'égard du comportement des agents de l'administration pénitentiaire. Il n'en va pas de même à l'égard des services de police. Cela s'explique notamment par le fait que les agents de l'administration pénitentiaire vivent longtemps leur relation avec les détenus. Par conséquent, ils ne peuvent pas impunément se comporter brutalement à l'égard de quelqu'un qu'ils côtoieront souvent pendant de longues années. "

Mais, comme le montre l'exemple de la maison d'arrêt de Beauvais, des comportements inadmissibles ne sont malheureusement pas exclus. Ces violences ne sont réprimées qu'avec beaucoup de retard par l'administration pénitentiaire. Un fort esprit de corps, le sentiment d'être incompris, poussent un bon nombre de surveillants, même s'ils désapprouvent les dérapages de la très petite minorité de " brebis galeuses ", à fermer les yeux.

Dans une administration très hiérarchisée, la loi du silence fait partie intégrante de la " culture pénitentiaire ". L'article 40 du code de procédure pénale, obligeant tout fonctionnaire à transmettre au procureur de la République les " renseignements, procès-verbaux et actes " relatifs à la connaissance d'un crime ou d'un délit, est parfois mal connu et encore plus rarement invoqué.

Cependant, tant le Garde des sceaux que la directrice de l'administration pénitentiaire ont insisté devant la commission sur le taux élevé de sanctions prises à l'égard du personnel : 260 pour 26.000 personnes. Plusieurs chefs d'établissement ont été discrètement suspendus et des cadres ont été rétrogradés.

3. Des activités collectives très insuffisantes

En raison de la surpopulation, il est difficile d'organiser en maison d'arrêt des activités collectives : promenades, sport, travail et formation. L'exercice de telles activités suppose d'ailleurs que le bâtiment ait été conçu en fonction d'un tel cahier des charges, ce qui n'est pas le cas des maisons d'arrêt les plus anciennes.

a) Les cours de promenade : un minimum

Le régime " classique " de la " promenade " en maison d'arrêt est d'une heure le matin et d'une heure l'après-midi.

En général, les maisons d'arrêt du sud est de la France laissent les détenus dehors beaucoup plus longtemps. A Ajaccio, le temps laissé à la promenade est de cinq heures par jour. A Digne, les détenus ont la possibilité de passer trois heures à l'air libre. La commission a constaté que ces horaires étaient encore plus larges aux Baumettes.

Dans les maisons d'arrêt d'outre-mer, compte tenu de leur surpopulation massive, et de leurs conditions de détention particulièrement indignes, les détenus sont dehors pendant la quasi-totalité de la journée.

b) Le sport : des terrains inadaptés et des moniteurs en nombre insuffisant

La pratique du sport en maison d'arrêt est étroitement liée à la taille des locaux et des terrains disponibles, mais également au nombre de moniteurs affectés à ces activités sportives.

Si le code de procédure pénale prévoit, explicitement, dans son article D. 359 que " le règlement intérieur de chaque établissement pénitentiaire doit réserver une partie de l'emploi du temps des détenus à l'exercice d'activités physiques ", l'organisation de ces activités semble poser un grand nombre de problèmes, en raison notamment de la surpopulation. Par exemple, il faut nécessairement deux moniteurs pour encadrer un groupe de vingt détenus.

Pour 53.000 détenus, on compte 220 surveillants-moniteurs, soit une moyenne d'à peine plus d'un moniteur par établissement pénitentiaire. L'apport de surveillants " faisant fonction " de moniteurs de sport pallie les nombreux postes restés vacants, tandis que les intervenants extérieurs, vacataires ou bénévoles, apportent une spécialisation sportive.

L'article D. 459-2 du code de procédure pénale rend compte de la difficulté d'organiser des activités sportives dans des locaux vétustes ou inadaptés : " sous réserve des contraintes architecturales, l'établissement doit être doté d'équipements sportifs de plein air et couverts, réglementaires et polyvalents, permettant l'organisation de séances et de rencontres sportives. Dans la mesure du possible, la localisation des terrains de sport est différente de celle des cours de promenade ".

La commission a constaté que les locaux ne permettaient pas l'exercice du sport dans de bonnes conditions. Seule la moitié des établissements pénitentiaires dispose de terrains dont la localisation est " différente " de celle des cours de promenade. Les 25 établissements pénitentiaires qui ne disposent d'aucune installation sont des maisons d'arrêt.

Les terrains de sport : 94 établissements sur 186

 

Terrains de sport

94

Cours de promenade suffisamment grandes pour y inscrire un terrain de sport

67

Établissements ne disposant ni de terrain de sport, ni de cour suffisamment grande

25

TOTAL

186

Source : L'administration pénitentiaire, brochure du ministère de la Justice, 1998

Dans le cadre des " centres pénitentiaires ", où coexistent maison d'arrêt et centre de détention, la priorité est une nouvelle fois donnée au centre de détention. L'exemple de Draguignan est parlant : les activités sportives sont de 2 h 30 par semaine en maison d'arrêt, de 3 heures par jour en centre de détention.

Cependant, des équipements de bonne qualité existent. A Fleury-Mérogis, votre commission a pu visiter le gymnase de la maison d'arrêt des femmes, construit par les détenues sous la direction d'un compagnon du tour de France. Les terrains de sport étant de taille suffisante, le football et l'athlétisme peuvent être pratiqués. Pour les jeunes détenus, du " kick boxing " est également proposé. Malgré les réticences des surveillants, la pratique de ce sport de combat semble avoir un effet apaisant.

En revanche, la maison d'arrêt de la Santé interdit les sports de combat.

Pour des raisons pratiques -son exercice ne nécessite que peu de place- et " culturelles " -la population pénale vit dans la religion de la " gonflette "- chaque maison d'arrêt dispose d'un local de musculation. La musculation est souvent le seul sport pratiqué en maison d'arrêt.

Les maisons d'arrêt de Gap et d'Avignon, par exemple, ne proposent que cette seule activité. Dans le cas d'Avignon, la pratique de la musculation concerne la moitié des détenus (150 sur 307).

La commission a pu constater, au cours de ses visites, que les appareils utilisés étaient généralement en bon état et souvent " sécurisés ", les haltères pouvant notamment être détournées de leur vocation.

En revanche, les salles sont souvent trop petites. A Toulon, certains appareils sont situés dans un couloir, faute de place.

c) Le travail pénitentiaire : des situations très disparates

Les " prévenus " doivent être autorisés à travailler par le juge, ce qui représente une lourdeur administrative supplémentaire.

Il existe deux types de travail en détention, fondamentalement différents :

- le travail délégué à un concessionnaire privé ; les postes sont extensibles à volonté, en fonction de la demande des entreprises et du nombre de concessionnaires ;

- les postes de travail liés au fonctionnement des établissements et appelés " service général " : les fonctions de maintenance et d'hôtellerie (restauration, blanchisserie, nettoyage) nécessitent un nombre non négligeable de détenus. Les indigents et les pointeurs constituent l'essentiel des auxiliaires du service général.

La commission a pu constater que le travail pouvait être un moyen de réduire les conséquences de la surpopulation. L'exemple de la maison d'arrêt du Mans, où près de 100 détenus travaillent, sur un effectif total de 126, traduit le souci d'éviter que les détenus " ne se retrouvent sur les toits ". A la maison d'arrêt de Melun, 60 détenus sur 83 sont occupés.

Cependant, de tels taux d'occupation par le travail restent exceptionnels. A Nanterre, le pourcentage de travailleurs est de l'ordre de 22 %. A la Santé, il est de 30 %.

Certaines maisons d'arrêt -faute de partenariats avec des entreprises et aussi par manque de place pour installer des ateliers- ne peuvent proposer que les seuls postes du service général. Cette situation n'est pas forcément liée à la " taille " de la maison d'arrêt : celle de Cahors, avec moins de 60 détenus, dispose de 15 places en concession, alors que celle de Béziers, avec environ 100 détenus, n'en propose aucune.

Par ailleurs, d'autres maisons d'arrêt ne proposent que très peu de places par rapport au nombre de personnes susceptibles d'y être incarcérées : la maison d'arrêt de Toulouse n'a que 20 places de travail pour 477 détenus, celle d'Albi 7 places pour 90 détenus.

Dans les centres pénitentiaires, la priorité est accordée au centre de détention par rapport à la maison d'arrêt. Par exemple, le quartier maison d'arrêt hommes du centre pénitentiaire de Draguignan, malgré une capacité théorique de 136 personnes, ne propose aucun travail.

Les concessionnaires dans les maisons d'arrêt : l'exemple de la région pénitentiaire de Toulouse

Maisons d'arrêt sans concessionnaires

Albi (hommes) Aurillac, Perpignan (hommes), Béziers, Foix.

Maisons d'arrêt avec concessionnaires

Albi (femmes), Cahors, Nîmes, Perpignan (femmes), Tarbes, Villeneuve-lès-Maguelonne, Montauban, Carcassonne, Rodez, Toulouse.

Même si le travail est un " droit " en détention, selon l'article 720 du code de procédure pénale, il est difficile à organiser. Il faut, en effet, trouver suffisamment de partenariats, et d'entreprises concessionnaires41. Le travail nécessite des locaux, une surveillance qui n'est plus exactement de la même nature que la surveillance " traditionnelle ".

Les bâtiments anciens ne permettent pas de travailler dans de bonnes conditions d'hygiène et de sécurité ; tout d'abord, dans un nombre important de maisons d'arrêt, le travail s'effectue en cellule dans des conditions souvent dignes d'un atelier clandestin ; ensuite, les ateliers ne sont souvent plus aux normes de sécurité incendie.

Les détenus, en dehors des indigents, sont peu incités à travailler, pour des raisons financières. 30 % des revenus, à concurrence de 300 francs par mois, sont prélevés pour financer les frais d'entretien du détenu. Cette " dîme " est apparue choquante à la commission, car le détenu qui ne travaille pas, parce qu'il n'a pas de besoins financiers, n'aura pas, par définition, à s'acquitter d'une telle somme.

La rémunération des postes du service général est faible, mais très variable selon les maisons d'arrêt : 1.450 francs par mois en cuisine, 450, 600 ou 840 francs par mois pour les autres tâches.

L'inégalité de la rémunération des postes du service général
(hors cuisines)

La commission d'enquête a pu constater l'extrême diversité de la rémunération mensuelle des postes du service général.

Bourges : 595 francs - 91 €

Bois d'Arcy : 801 francs - 122 €

Nanterre : 840 francs - 128 €

Osny : 850 francs - 129 €

Blois : 1.020 francs - 155 €

Selon l'administration pénitentiaire, la moyenne des rémunérations est de 740 francs.

En ateliers, la rémunération est à peine plus élevée : elle s'élève, dans la plupart des cas, entre 1.000 et 3.500 francs.

Un détenu pourra préférer attendre tranquillement la fin de sa détention et continuer à percevoir les " prébendes " de ses activités illicites (proxénétisme, trafic de stupéfiants).

A Loos-lès-Lille, la maison d'arrêt éprouve des difficultés pour inciter les détenus à travailler, que ce soit dans les ateliers ou dans les cuisines. Alors que les ateliers pourraient accueillir jusqu'à 100 détenus, seulement 60 y exercent une activité.

A la maison d'arrêt de la Santé, le travail se déroule entre 8 heures et 17 heures dans des ateliers exigus qui ne couvrent que 300 m2 de la superficie de l'établissement. Le travail en cellule consiste essentiellement à effectuer du petit conditionnement et de la mise sous pli de documents. Les rémunérations s'élèvent à 120 francs brut par jour.

Dans d'autres établissements, l'administration pénitentiaire aura, au contraire, du mal à " répondre à la demande ", notamment des entreprises qui travaillent à flux tendus;

d) La formation : une activité laissée pour compte dans la plupart des maisons d'arrêt

Le détenu ne se trouvant en maison d'arrêt que pour un temps parfaitement indéfini, et parfois très court, il est difficile de lui proposer des formations, dont certaines s'inscrivent sur une durée longue, et notamment celle de l'année scolaire.

La priorité de l'éducation nationale est de repérer les illettrés, afin qu'ils puissent bénéficier d'un (ré)apprentissage de l'écriture et de la lecture. Mais l'enseignement est souvent en concurrence avec le travail.

Les caractéristiques du public pénitentiaire nécessitent un travail en tout petits groupes, afin de permettre un suivi individualisé de chacun.

Votre commission a pu se rendre compte du dévouement des professeurs des écoles chargés d'effectuer ces enseignements. Il n'en demeure pas moins que bon nombre de postes sont laissés vacants par l'éducation nationale.

Différentes associations, auditionnées par votre commission d'enquête, proposant notamment des cours par correspondance, relaient cet effort éducatif : GENEPI, Auxilia, ...

S'agissant des mineurs, la commission a constaté que l'éducation nationale, et même les associations, se dégageaient de leur mission : les quelques enseignants qui acceptent les conditions extrêmement difficiles de ces quartiers, tel celui sinistre de la prison Saint-Paul à Lyon, tentent vaille que vaille de se conformer à l'obligation scolaire en dispensant quelques notions fondamentales à cette population le plus souvent illettrée et sans repères.


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