Elle est présentée ce 24 octobre en Conseil des ministres.
Dominique de Villepin et son garde des Sceaux cafouillent sur la
question de la sanction des juges.
(par
François Régis Hutin - Ouest-france - 13.01.2007)
Après l'épouvantable drame qui s'est produit
à la prison de Rouen où un détenu, ayant tué l'un de ses
compagnons de cellule, avait commencé à le dévorer, l'attention
est de nouveau tournée vers les prisons.
Tout démontre que les alertes, interrogations,
reportages, études effectuées par des élus de la nation - députés
ou sénateurs - et mises en garde de toutes sortes sont pratiquement
restées inopérantes.
À la vétusté, la saleté, la promiscuité,
s'ajoute, de plus en plus, l'insécurité. On enferme des coupables
avec des innocents, des gens sains d'esprit avec des malades
mentaux. On enfreint la loi qui impose la détention individuelle et
tout cela finit par ne plus choquer. Les suicides, les agressions ne
diminuent pas. Nous finissons par admettre ces faits comme une
fatalité.
Une fois de plus, un parlementaire, Michel
Hunault, s'élève contre cette situation. Avec calme et détermination,
il expose ses vues dans la revue Études (1) et demande
qu'enfin, la France emprunte, en ce domaine, « la voie de
l'Europe ».
Il déplore que l'on ne s'occupe pas
davantage de la réinsertion et que, « en plus de toutes
les actions entreprises sur le terrain, il n'y ait pas une véritable
volonté politique assortie de dispositions juridiques précises et
efficaces pour améliorer des situations souvent insupportables ».
Insupportables, elles le sont pour les détenus, certes, mais
aussi, ne l'oublions pas, pour les personnels pénitentiaires...
La récente Charte pénitentiaire européenne
s'impose
Pourtant, les instruments juridiques, permettant
de veiller au respect des droits de l'homme et des personnes privées
de liberté, ne manquent pas. Aux diverses conventions émanant du
Conseil de l'Europe et concernant les prisonniers, s'ajoute, depuis
le 29 mai 2006, la Charte pénitentiaire européenne. Elle préconise
et encourage les alternatives à la prison que sont les travaux
d'intérêt général, les bracelets électroniques, les sursis avec
mises à l'épreuve, etc... L'élaboration de cette charte s'est
enrichie des meilleures expériences carcérales européennes.
Ainsi, « en Pologne, le numerus clausus ne permet
l'incarcération que si l'administration pénitentiaire est en
mesure d'accueillir le prisonnier dans des conditions décentes. De
même, en République tchèque, l'institution d'un médiateur
garantit le traitement rapide des réclamations des prisonniers. Il
se trouve également au service des détenus, de leurs familles et
de l'administration pénitentiaire »...
La Charte pénitentiaire préconise de
donner aux prisonniers les moyens de travailler en prison. Elle
rappelle les règles qui s'imposent concernant la répartition dans
les cellules, les conditions de vie quotidienne telles que
l'alimentation, l'éclairage, la ventilation, l'hygiène
personnelle, l'hygiène des locaux, etc... Autre point essentiel,
elle traite de l'incarcération de détenus qui relèvent de la
psychiatrie plus que de l'incarcération et qui requièrent des
soins médicaux.
Tout cela n'est pas nouveau, dira-t- on. Mais,
ce qui est neuf, c'est que cette charte est contraignante, c'est-à-dire
que les manquements à ses principes donneront lieu à des
poursuites et à des réparations. En ce début de siècle, conclut
Michel Hunault, « il est nécessaire de trouver un équilibre
entre l'exigence de l'opinion publique, qui souhaite plus de sévérité,
et l'exigence, en toute circonstance, du respect de la dignité
humaine pour la personne privée de liberté. Les travaux du Conseil
de l'Europe sur cette question ne perdent pas de vue l'une et
l'autre de ces deux exigences ».
En cette période électorale, il serait
utile de savoir comment les candidats à la présidence de la République
entendent traiter ces graves questions. Il faut absolument qu'ils
nous disent s'ils s'engagent à rendre, enfin, notre système pénitentiaire
conforme à la Charte pénitentiaire européenne et aux droits de
l'homme.
(1) Revue Études, janvier 2007.
Dernières
statistiques sur les prisons
Au
1er janvier 2007, 58 402 personnes étaient incarcérées
en France contre 59 015 le 1er décembre 2006 ce qui représente
une baisse de 1 %.
Le
nombre de personnes prévenues est de 18 483 pour 39 919
personnes condamnées. En janvier 2006 on dénombrait 19 732 prévenus
ce qui représente une baisse de 6,7 % en un an.
Les
mineurs détenus sont 727 au 1er janvier 2006 contre 755 le mois
précédent (soit – 3,7 %). Ils représentent 1,2 % de la
population pénale.
Le
nombre de personnes écrouées et non hébergées est de 2 001
contre 1 178 au 1er janvier 2006, chiffre qui traduit
l’augmentation sensible des aménagements de peine (+ 70 %). Parmi
elles, 1 648 bénéficient d’un placement sous bracelet électronique
et 353 d’une mesure de placement à l’extérieur. (7.01.2007
- Ministère de la Justice)
SUICIDE
PAR PENDAISON D'UN HOMME DE 19 ANS
"Un jeune détenu de la prison Saint-Paul
s'est donné la mort, dimanche soir, à Lyon. Admis dans le service
médico-psychologique de l'établissement pénitentiaire, Jonathan
Alonso a été découvert sans vie aux alentours de 19 heures. Il
s'est donné la mort par pendaison. Après être parvenu à attacher
un lacet au barreau supérieur d'un lit superposé. Le jeune homme
était incarcéré depuis le mois d'octobre. Il avait écopé de 18
mois de prison pour son implication dans des faits de violence et le
recel de véhicules revendus en pièces détachées. Depuis son
placement en détention, Jonathan refusait les visites. Cette
attitude avait été signalée à l'administration. La famille en a
fait état à Me Olivier Forray, l'avocat du garçon qui a mis fin
à ses jours."
Source : Le progrès de Lyon (25 janvier
2007)
LA PRISON S'INVITE
SUR LE PARVIS DE L'HÔTEL DE VILLE DE PARIS
Trop c'est trop, campagne pour le respect du numerus
clausus en prison, organise, du vendredi 9 mars au lundi 9 avril à Paris,
l'opération "9 m², l'appartement témoin". Cet
appartement, matérialisé par un tracé sur le sol, représente une
cellule de prison. Toute personne tenant à exprimer son exigence de droit
et de dignité à l'égard des personnes incarcérées, est invitée à
occuper symboliquement, pour quelques heures, cet espace. Du 9 au 15 mars,
cette manifestation est domiciliée sur le parvis de l'Hôtel de Ville de
Paris, puis en d'autres lieux les jours suivants. Le maire de Paris
lui-même, soutient cette manifestation.
Qu'il soutienne cette campagne est louable, mais le sort
réservé par la Mairie de Paris, en matière d'accès à l'emploi, aux
personnes qui sortent de prison l'est beaucoup moins. Défendre les
conditions de détention devrait se prolonger en favorisant la
réintégration des personnes, quel que soit leur parcours. Titulaire de
son poste à la mairie de Paris, ayant une ancienneté de 4 ans dans
l'emploi qu'il occupe, un employé a été incarcéré 6 mois ; à sa
sortie de prison il a repris son travail pendant 18 mois. Entre temps le
jugement a été rendu ; il a été condamné à une peine de 18 mois dont
6 fermes (couvrant ainsi le temps de la détention provisoire), et surtout
sans inscription au bulletin n° 2 de son casier judiciaire. Cette
disposition ayant été prise par le juge pour éviter à ce père de
famille de perdre son emploi. Cet employé, 18 mois après la reprise de
son travail, s'est vu révoqué, après passage en conseil de discipline,
au motif de sa condamnation alors qu'il n'y a aucune inscription au
bulletin n° 2. Sa condamnation était nécessairement connue ne serait-ce
que par son absence de 6 mois à son poste de travail.
L'ancien statut des fonctionnaires de 1959 (y compris de
la fonction publique territoriale) imposait le recrutement de
fonctionnaires d'Etat de "bonne moralité". Aujourd'hui,
l'article 5-3 de la loi du 13 juillet 1983, relative aux droits et
obligations des fonctionnaires, dispose que les mentions du bulletin n°2
du casier judiciaire doivent être compatibles avec l'exercice des
fonctions. Révoquer un salarié au prétexte d'une condamnation, alors
que celle-ci n'est pas inscrite au casier paraît être un abus de
pouvoir.
Il y a non seulement un devoir de respecter les droits
des personnes incarcérées, mais il y aussi, pour tous et sûrement avant
tout pour l'Etat et ses représentants, un devoir de favoriser
l'intégration des personnes après leur libération. Alors le maire de
Paris ne doit pas se contenter d'être présent sur le parvis de son
Hôtel de Ville pour soutenir une action médiatisée ; il doit aussi
mettre en conformité sa politique de l'emploi avec ce que sous tend le
respect des droits des personnes y compris lorsqu'elles sortent de prison
; il doit aussi respecter les dispositions de l'article de la loi du 13
juillet 1983.
Les membres de Ban Public (14.03.2007)
La Commission
consultative des droits de l’homme dénonce les entraves posées aux
alternatives à l’emprisonnement
Le Monde, 2 mars 2007
Ségolène Royal et François Bayrou insistent sur les
alternatives à la détention. Nicolas Sarkozy évoque la réinsertion
des prisonniers. Mais la réalité, comme le rappelle le président de
la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), Joël
Thoraval, est qu’en France "80 % des détenus n’ont pas bénéficié
d’aménagement de peines". La CNCDH a adopté un rapport consacré
aux alternatives à la détention, à paraître à La
Documentation française, qui fait un bilan critique des obstacles
qui entravent le développement de ces mesures.
En 2005, les libérations conditionnelles représentaient
moins de 5 % des sorties de prison. Les placements en semi-liberté, qui
permettent à un détenu de travailler à l’extérieur, pendant la
dernière année de sa détention, ont baissé de 14,5 %. Mais le
placement sous surveillance électronique est en hausse constante :
1 857 détenus au mois de février contre 1 052 un an plus tôt.
Dans son rapport de politique pénale, la direction des
affaires criminelles et des grâces note que "le placement sous
surveillance électronique est privilégié dans certaines juridictions,
au détriment de la semi-liberté". Au total, environ 6 % des
personnes placées sous écrous bénéficient d’aménagements de
peine.
Dans l’inconscient collectif, un condamné qui ne fait
pas de prison - ou qui n’y reste pas - n’est pas complètement puni.
"Alors qu’elles sont souvent perçues comme des faveurs accordées
aux auteurs d’infraction, les alternatives à la détention que sont
le contrôle judiciaire, le sursis avec mise à l’épreuve, le travail
d’intérêt général ou encore la libération conditionnelle sont des
mesures véritablement contraignantes", rappelle la CNCDH. Qui plus
est : "Elles obtiennent de meilleurs résultats que la prison
en terme de lutte contre la récidive et représentent un moindre coût
pour la collectivité." L’auteure du rapport, Sarah Dindo, note
par exemple que "le coût de construction d’une nouvelle place de
prison (évalué à 106 400 euros) permet de calculer que le renoncement
à une seule nouvelle place en maison d’arrêt permettrait de financer
5 911 jours de placement extérieur".
La CNCDH appelle à un changement dans l’approche de
ces dossiers par ses trois principaux acteurs : le gouvernement,
les juges, le secteur socio-éducatif. Elle dénonce "le discours
ambivalent des autorités françaises, encourageant, dans des périodes
très rapprochées, tantôt le recours à l’incarcération comme réponse
pénale unique, tantôt le développement des mesures
alternatives".
"DÉSINTÉRÊT"
Ainsi, les lois Perben, si elles ont laissé une image répressive,
comportent un important développement des mesures alternatives à la
prison. Pascal Clément a signé lui-même une directive, le 24 avril
2006, demandant aux procureurs de prendre "des réquisitions
tendant au prononcé de peines alternatives aux peines
d’emprisonnement, de mesures d’aménagement de peines", y
compris, souligne le ministre, lors des procédures rapides de
comparution immédiate, dénoncées par la CNCDH, comme
"pourvoyeuse d’incarcérations". La commission appelle aussi
à "un changement de culture au sein de la magistrature", qui
a longtemps affiché "un désintérêt à l’égard du contenu des
mesures alternatives". "L’étude montre que les praticiens
n’exploitent pas les dispositifs existants comme ils le
devraient", reconnaît Jean-Yves Monfort, président du tribunal de
grande instance de Versailles.
Enfin, le rapport demande un renforcement du rôle et
des moyens des acteurs du milieu ouvert, notamment des services pénitentiaires
d’insertion et de probation (SPIP), qui ne représentent que 10 % des
effectifs de la pénitentiaire. "Les SPIP pâtissent d’un
sous-effectif chronique, en dépit d’importants recrutements ces dernières
années", note la Commission. Fin 2007, leur nombre devrait
atteindre 3 000, et 3 500 en 2008. "On devrait s’approcher d’un
conseiller pour 70 personnes au lieu d’un pour 90 actuellement",
explique Philippe Pottier, à la direction de l’administration pénitentiaire.
La CNCDH préconise, elle, d’arriver à un conseiller pour 50
personnes.
Alain Salles
Peines
planchers ou mesures alternatives : la prison oppose les candidats
du PS et de l’UMP
Le Monde, 23 février 2007
Avec 61 525 personnes placées sous écrou au mois de février,
la France atteint de nouveau des records en matière d’emprisonnement.
Désormais, 97,2 personnes sur 100 000 sont écrouées dans le pays,
contre 77 en 2001. Selon Pierre Tournier, directeur de recherches au
CNRS, les prisons comptent 10 400 détenus de plus que de places. Ce
"surnombre" nourrit la violence en détention et la récidive
des sortants de prison.
135 établissements ou quartiers sur 226 sont surpeuplés,
10 d’entre eux ayant une densité égale ou supérieure à 200 %. La
surpopulation étouffe les maisons d’arrêt, où s’effectuent les détentions
provisoires et les courtes peines. On compte ainsi 410 détenus pour 180
places à Béthune (Pas-de-Calais).
Sur ce sujet, les deux principaux candidats à l’élection
présidentielle s’opposent. En réclamant l’instauration de peines
planchers, peines minimales en dessous desquelles les juges ne
pourraient aller, Nicolas Sarkozy s’inscrit dans la poursuite de
l’augmentation de la population écrouée. "Je veux qu’à la
première multirécidive on ne puisse pas être condamné à moins de la
moitié de la peine prévue", a-t-il répété dans Le Parisien,
mercredi 21 février. Pour la deuxième récidive, "pas moins de 75
% de la peine prévue", suggère le candidat. "Et pour la
troisième, ce sera 100 %".
SYSTÈME SATURÉ
C’est le système des peines automatiques, combiné au
plaider-coupable, qui a provoqué l’explosion carcérale américaine.
Selon une étude publiée le 14 février aux Etats-Unis, le pays a 2,2
millions de prisonniers et devrait en compter 200 000 de plus d’ici à
2011, soit une croissance triple de celle de la population. Le surcoût
est estimé à 27,5 milliards de dollars.
En souhaitant encadrer strictement la détention
provisoire par des délais butoirs et développer les sanctions pénales
alternatives à la prison, Ségolène Royal promet de son côté de
rompre avec cette tendance. La proposition socialiste ne détaille
cependant pas comment les moyens seraient rééquilibrés entre le
milieu fermé et le milieu ouvert.
Le budget de l’administration pénitentiaire, 2,2
milliards d’euros en 2007, a augmenté de plus de 60 % depuis 2002.
Malgré la création de nouvelles places (3 000 depuis 2002, pour un coût
unitaire d’environ 100 000 euros), le système est saturé. "Les
établissements déjà surpeuplés connaissent une situation de plus en
plus tendue, explique M. Tournier. Les détenus en surnombre (+ 6 %
entre 2005 et 2006) augmentent plus vite que la population carcérale (+
1,5 %)."
Au début du mois de février, la CGT pénitentiaire dénonçait
dans un communiqué "la situation catastrophique de la maison
d’arrêt de Dijon", occupée à 230 %. Matelas par terre dans des
cellules de 9m2 partagées par trois détenus, problèmes d’accès aux
parloirs, au travail et au sport : les surveillants s’inquiètent.
Le personnel de la maison d’arrêt rappelle qu’en
1996 la surpopulation (trois détenus pour une place) avait provoqué
une émeute. Détruite, la prison avait été fermée pendant deux ans.
Nathalie Guibert
Quel sens pour
quelle sanction ? [1]
1. Position générale
La prison et son fonctionnement ne peuvent continuer à
être la réponse judiciaire de référence qu’elle sont aujourd’hui :
elles dégradent les personnes, créent et entretiennent des ruptures
sociales, affectives et professionnelles graves. Si l’on veut être
efficace, exemplaire, souhaiter que l’exécution des sanctions
s’inscrive dans une logique de réparation et de réinsertion, en
mettant par exemple du contenu dans le temps de la peine, il faut bien
recourir à d’autres solutions : les Peines Alternatives.
Elles nous paraissent pourtant de nature à associer la
société civile, à proposer de l’échange professionnel et donc à
s’occuper de l’avenir autant que du présent, à prendre mieux en
charge les symboliques collectives qu’interpellent chaque délit,
chaque crime, chaque prononcé, chaque enfermement, chaque libération,
chaque réhabilitation.
Nous abordons ces peines alternatives dans une acception
étendue d’alternative à l’incarcération, en élargissant la réflexion :
• aux mesures avant le jugement : médiation pénale,
mesure de réparation (notamment pour les mineurs, la mesure de réparation
peut être proposée avec un « ajournement » de la peine de
prison ferme proposée par le procureur),
• aux mesures après le jugement : aménagement
de peines (s’ajoutant donc aux peines alternatives stricto sensu -
SME, TIG…) : ces aménagements viennent alléger le temps de la
prison et proposer alors un contrat positif entre la société et le
condamné : liberté conditionnelle, placement sous surveillance électronique
(maintien du lien social mais mesure ségrégative car il y a une
incidence matérielle et économique), semi-liberté (insertion
professionnelle), placement à l’extérieur…
2. Argumentaire
Les peines alternatives entrent dans l’échelle des
peines, comme les autres peines ; de ce point de vue, et
puisqu’elles permettent d’éviter l’enfermement tout en proposant
une réponse judiciaire porteuse de sens – la peine alternative est
une sanction – il nous paraît évident qu’elle est à privilégier.
Nous avons pu noter une tendance générale à la
contractualisation dans la mise en exécution de certaines peines
(amendes/jour, TIG, fractionnement de la peine, semi-liberté, bracelet
électronique…) ainsi qu’une plus grande individualisation (le
condamné est un sujet qui dispose d’un passé, d’un présent et
d’un avenir), les peines alternatives pouvant s’inscrire
parfaitement dans cette tendance en proposant une peine « aménagée »
Nous constatons que cet éventail de sanctions et d’évolutions
de procédures semble offrir davantage de liaison entre les contenus
qu’elles proposent et les infractions en réponse desquelles elles
sont prononcées :
- elles impliquent de façon plus large la société
civile et donc une participation et une interprétation collectives,
- elles produisent davantage de réflexion : on
est obligé de réfléchir à leur mise en œuvre, ce qui ne s’est
jamais vu pour condamner à de la prison !
- elles sont amenées à placer le condamné comme
acteur, d’un bout à l’autre de la procédure,
- elles créent un contexte plutôt favorable d’adéquation
sémantique, culturelle, économique… entre elles, le délit, la
circonstance, la personne mise en examen,
- elles se préoccupent nettement de faire progresser
quelque chose du côté du statut du condamné, en le mettant
d’abord dans une circulation (au lieu de l’en exclure), que
celle-ci soit sociale, économique, professionnelle, médicale, éducative,
civique, en ce sens, elle sont un signe fort d’une préoccupation
prioritaire de réparation,
- elles mettent le condamné en situation active et non
plus passive, dans une relation contractualisée avec la société,
- …
3. Des pleins et des vides de
sens…
Les vides de sens :
d’après les différents entretiens que nous avons réalisés,
nous avons pu noter de grandes disparités de vue et d’application
entre les régions, ainsi qu’en fonction des acteurs judiciaires ;
le même délit n’appellera pas le même prononcé de peine en
fonction du contexte de délinquance, d’autre part…
Ceci expliquant peut-être cela, nous avons pu également
constater une certaine frilosité des juges devant le peu d’évaluation
de l’application des TIG à des cas plus lourds, la caractéristique
locale de certains emplois, la personnalité de certains personnels
sociaux… fragilisent considérablement une telle procédure, à
vocation si singularisée.
Nous avons ainsi constaté :
- des manques terribles d’offres valorisantes et
productrices de liaisons (entre le délinquant et ses centres
d’intérêt ou « le champ » de son délit),
- des manques de moyens pour encadrer, suivre et évaluer
ces procédures (cf. les entretiens d’Agen),
- des déficits de définition et de visibilité :
le TIG est perçu parfois comme un échappatoire à la sanction
(prison) et donc n’est pas perçu comme sanction,
- des manques de suivi : les TIG peuvent être
ajournés (perte d’efficacité ou de lisibilité après 2 ans de délai
sans exécution), parfois non exécutés partiellement ou même en
totalité.
Ni les victimes ni les condamnés ni la société médiatique
(les signes d’un éventuel aléatoire dans l’application encouragent
toujours à la méfiance et à la désillusion) n’ont donc l’idée,
pour la mise en œuvre des peines de substitution, d’une justice
impartiale, objective et “juste”. Par ailleurs, elle se dit juger
“en qualité” mais lorsqu’elle prononce la peine de prison, elle
juge avant tout “en quantité” ! Les cartes de la lisibilité
du sens de la peine se brouillent…
Il faut ajouter enfin, au risque de clore ce thème au
moment de l’avoir ouvert, que nous ne croyons pas qu’il existe dans
la réalité des peines substitutives à l’incarcération :
toutes les sanctions dont nous parlons ici et qui sont listées
ci-dessous ne sont pas substitutives mais constituent le complément de
sanctions qui s’ajoutent à la peine de prison : il est très
rare de constater leur usage en qualité d’alternative. Le juge y a
recours dans des cas mineurs et spécifiques, pour lesquels il
n’aurait pas, en tout état de cause, utilisé la peine de prison !
Les pleins de sens :
sur le principe nous avons entendu beaucoup de remarques
plutôt positives quant au TIG notamment ; il est entré dans l’échelle
des peines et sert parfois de levier pour ressembler plutôt à une
mesure de réparation. Nous pouvons constater à son endroit et selon
des exemples concrets, malheureusement très ponctuels :
- une mise en contact manifeste et une implication
directe avec la société civile et non plus seulement avec les
organismes de réinsertion ou les éducateurs spécialisés, le
condamné est déjà dans un processus de rencontre en même temps
que dans une institution neutre, non concernée directement par son
cas et sa peine, non impliquée dans le processus judiciaire, et
donc non stigmatisante,
- une offre possible de tutorat professionnel : le
condamné est en prise directe, humaine et spécialisée, avec un
“homologue” professionnel, qui d’une certaine façon est son
égal, qui s’adresse à lui sans considération sur son statut,
qui attend de lui des actes et des pensées reliées à une activité
objective et qualifiable (cf. les entretiens de Paris),
- des procédures de réalisation qui en font de vraies
mesures de réparation : des expériences régionales singulières
(cf. le module « Dialogue citoyen » au TGI de Versailles
ou les cas de sursis avec mise à l’épreuve) dans une meilleure
prise en compte des sujets eux-mêmes, de leur état d’esprit, de
leur posture sociale.
4. Glossaire : les peines
alternatives
L’ensemble des qualifications d’infractions se
divise en trois catégories : les crimes, les délits et les
contraventions. Les contraventions ne sont pas passibles de peine
d’emprisonnement, les crimes sont toujours principalement passibles de
peine d’emprisonnement, seuls les délits présentent un éventail de
peines très large associant milieu fermé et milieu ouvert (en 1998, 22
% des condamnations pour délits sont des peines d’emprisonnement ou
assorties d’un sursis partiel, 43 % sont des peines d’emprisonnement
assorties de sursis, 11 % sont des peines aménagées en milieu ouvert
et 24 % sont des peines d’amendes).
Pour les peines en milieu ouvert, le juge a à sa
disposition un éventail considérable :
en peines principales citons :
• le jour/amende (le montant du jour est calculé à
partir des ressources et charges du condamné, la gravité donne le
nombre de jour),
• le travail d’intérêt général ou TIG, non rémunéré,
compatible avec l’activité professionnelle éventuelle du condamné
et prononcé avec son consentement sur le principe (la prison est
prononcée par défaut ou en cas de refus – quasiment jamais vu),
• les peines privatives ou restrictives de droit
(retrait de permis de conduire, de chasser, confiscation de biens,
d’armes, de véhicules, interdiction de chèques, de cartes de crédits,
interdiction d’exercer une profession…),
certaines des peines complémentaires suivantes peuvent
se substituer à des peines principales :
- placement avec surveillance électronique,
- suppression des droits civiques (vote et éligibilité),
civils et de famille,
- interdiction d’aller et venir,
- interdiction de séjour,
- interdiction de quitter le territoire, de pénétrer
dans certains lieux,
- exclusion de marchés publics,
- fermetures d’établissement,
- suivi socio-judiciaire,
- injonction de soins,
- interdiction d’activités avec des mineurs,
- confiscation générale,
- affichage du prononcé (peine infamante)
5. A consulter
Document Congrès Limoges LDH (publication LDH
documents)
« Les cahiers de la Fnars » n°9 décembre
2000 - Sanctionner sans exclure, aménagement des peines et alternatives
à l’incarcération »
Au
1er mars 2007, 59 892 personnes étaient incarcérées en France
contre 59 288 le 1er février 2007 (soit une hausse de 1 %).
Le
nombre de personnes prévenues est de 18 561 pour 41 331 personnes
condamnées. En mars 2006 on dénombrait 19 368 prévenus ce qui représente
une baisse de 4,3 % en un an.
Les
mineurs détenus sont 721 au 1er mars 2007 contre 688 le 1er février
2007 (soit une hausse de 4,8 % qui succède à la baisse de 5,4 %
enregistrée le mois précédent). Ils représentent 1,2 % de la
population pénale.
Au
1er février 2007, 4 252 personnes écrouées bénéficient d’un aménagement
de peine contre 3 180 au 1er février 2006 (+ 33,7 %), soit 9,7% des
condamnés, taux qui n’avait jamais été atteint auparavant.
Il
y a ainsi 1 925 personnes écrouées qui bénéficient d’un placement
sous bracelet électronique (+ 68 placements), 778 d’une mesure de
placement à l’extérieur (+ 45 mesures) et 1 549 d’une mesure de
semi-liberté (+ 71 mesures). (Source : Ministère de la Justice)
Le
vote en prison : ce que dit la Loi
Pour qu’un détenu
puisse voter, il doit, comme tout électeur, être de nationalité
française, avoir 18 ans et être inscrit sur une liste électorale.
Aucune juridiction ne doit avoir prononcé à son encontre une
privation des droits civiques. Une peine qui peut sanctionner des
faits de trafic de drogue, une atteinte grave à l’Etat, un délit
financier…
Moyennant ces restrictions, la
personne incarcérée vote par procuration.
L’article L.6 du code électoral
précise que seront privés du droit de vote pendant le délai fixé
par le jugement, ceux auxquels les tribunaux ont interdit le droit de
vote et d’élection par application des lois qui autorisent cette
interdiction. (Art. 131-26 du code pénal).
(Ministère de la Justice - 9 juin 2007)
Les
10 chiffres clés de l’administration pénitentiaire
59 000 détenus
39% des détenus ont une activité rémunérée
21 000 décisions d’aménagement de peine
146 000 personnes suivies en milieu ouvert
29 500 agents dont 23 000 personnels de
surveillance
6 000 intervenants au quotidien en détention,
dont 2 000 personnels de santé
188 établissements pénitentiaires (115 maisons
d’arrêt, 73 établissements pour peine)
+ 4 établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM)
mis en service en 2007
103 services pénitentiaires d’insertion et de
probation (SPIP)
2,2 m d’euros de budget annuel global
(Avril 2007 - Ministère de la Justice)
05
juin 2007 - agression
du vice-président pour enfants du TGI de Metz
Le Garde des sceaux souhaite faire
part de son émotion devant un acte très choquant et assure
l’ensemble des magistrats et des fonctionnaires de son entier
soutien.
Message du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice à l’ensemble
des magistrats et fonctionnaires du ministère de la Justice
J’ai
été avisée ce matin d’une agression d’une exceptionnelle gravité
commise à l’encontre de M. Jacques NORIS, vice-président chargé
des fonctions de juge des enfants au tribunal de grande instance de
Metz. J’exprime à ce magistrat toute ma sympathie et mes souhaits
de prompt rétablissement.
Je tiens en cette circonstance à faire part à l’ensemble des
magistrats et fonctionnaires du ministère de la Justice de mon total
soutien. De telles atteintes aux personnes qui travaillent au
quotidien dans des conditions difficiles sont intolérables. Elles
nuisent à la sérénité qui doit présider à l’activité
judiciaire.
Je ne les tolérerai pas. Je demanderai prochainement aux parquets
d’apporter à ces faits une réponse pénale systématique et
empreinte de la plus grande fermeté.
J’ai aujourd’hui même demandé à Monsieur l’Inspecteur Général
des Services Judiciaires de déterminer les circonstances dans
lesquelles une agression d’une telle gravité a pu se produire dans
une enceinte judiciaire, et de me dresser sans délai un bilan de la
mise en œuvre du plan d’action pour la sûreté des
juridictions.
J’ai décidé de prendre des mesures immédiates pour améliorer
la sécurité des palais de Justice, et je débloquerai dans les tout
prochains jours les moyens financiers nécessaires.
Votre sécurité constitue pour moi un impératif absolu. Soyez
assurés que je serai toujours à vos côtés dans ces moments
difficiles pour l’ensemble des personnels de la Justice.
Rachida
Dati - Le tribunal de grande instance de Metz
PRISON
: PAS DE GRÂCE COLLECTIVE
L'annonce a été faite le 8 juillet
par le président de la République : il n'y aura pas de grâce
collective cette année.
Un précédent éditorial faisait le
point sur les mesures d'amnistie et de grâce ; les grâces
présentent indéniablement l'inconvénient d'être contraires au
principe d'individualisation dans l'application de la peine, de
n'être qu'une réponse partielle et très insatisfaisante au
problème de la surpopulation carcérale, de mettre en exergue les
différences entre les motifs d'incarcération des personnes
détenues, de favoriser les "sorties sèches", de
s'appliquer à telle ou telle catégorie d'infraction selon des
critères variant avec l'air du temps.
Pourtant, Ban Public n'approuve pas
cette décision. Le président de la République explique son choix
notamment par le fait que "le droit de grâce" ne peut
servir "à gérer les prisons". Mais, il ne faudrait pas
prendre le problème à l'envers. Il conviendrait d'abord de résoudre
le problème de la surpopulation, en dépénalisant certains délits,
en faisant de la détention provisoire une véritable exception, en
donnant aux juges de l'application des peines les moyens de prononcer
davantage d'aménagement de peine, en posant clairement le problème
de l'allongement des peines.
Seulement après, les mesures de
grâce collective pourraient être supprimées. Tant qu'elles peuvent
atténuer, même provisoirement, certaines difficultés elles
devraient être maintenues. Les conditions actuelles de détention
sont parfois insupportables ; les prisons sont une "honte pour la
République", comme le soulignait le rapport sénatorial de 2000
; depuis d'ailleurs, d'autres rapports (celui du conseil économique
et social de 2006, celui du commissaire européen aux droits de
l'Homme de 2006) ont conclu de la même façon. Si des mesures, même
imparfaites, peuvent permettre de soulager le quotidien des personnes
incarcérées alors, c'est presque un devoir pour l'Etat d'y avoir
recours, tant que d'autres mesures, meilleures sans doute, ne sont pas
mises en application.
Ban Public refuse de se laisser
bercer par un discours apparemment emprunt de bonnes intentions ; Ban
Public rappelle, qu'au cœur du système carcéral, se trouvent des
hommes et des femmes qui, de toute évidence, dans les semaines qui
viennent, vont vivre dans des conditions particulièrement difficiles,
puisque le nombre de personnes détenues est exceptionnellement
élevé.
Juillet 2007 - URL
de l'article :http://prison.eu.org/article.php3?id_article=9809
L'ÉTÉ
EN PRISON
La période de l'été pour les
personnes qui sont incarcérées est une période particulière, sans
doute plus difficile encore que les autres périodes de l'année. Les
grâces présidentielles, solution très imparfaite au problème de la
surpopulation carcérale, permettent de diminuer le nombre de
personnes incarcérées durant l'été, ce qui atténue certaines
difficultés. Mais cette année, il n'y a pas eu de grâce.
Les activités habituelles, quelles
soient culturelles, sportives, artistiques, d'enseignement ou de
formation ne sont plus assurées, ce qui entraîne une oisiveté
accrue. L'offre de travail diminue souvent, ce qui, tout en accentuant
l'inactivité, fait basculer dans l'indigence nombre de personnes,
puisque le droit du travail ne s'applique pas et que la notion de
congés payés n'existe pas. Cette subite perte de revenu est d'autant
plus préoccupante que la prise en compte de l'indigence, au sens de
l'administration pénitentiaire, est toujours différée, compte tenu
des critères appliqués : selon les établissements, 2 ou 3 mois
consécutifs avec moins de 50 euros (somme qui peut varier selon les
établissements) sur le compte nominatif.
Les conseillers d'insertion et de
probation (CIP) assurent certes une permanence, mais plusieurs sont
absents et les dossiers qu'ils ont en charge sont parfois en
souffrance. Il n'est pas question d'imposer la présence de tous les
CIP à cette période de l'année et de dégrader ainsi leurs
conditions de travail, mais il conviendrait de trouver des solutions,
autres qu'une simple permanence, car il ne faut jamais oublier que,
derrière les dossiers traités, il y a des personnes en attente d'un
aménagement de peine, d'une solution à un problème social
particulier, d'une permission de sortir, d'aide pour une démarche
auprès d'un employeur, de contact avec la famille...
Les sorties qui ont lieu l'été
sont souvent plus compliquées car les structures associatives
d'accueil sont moins actives.
Les aléas climatiques, canicule de
certains étés, rendent les conditions de vie pénibles. Bien sûr,
une canicule est pénible même à l'extérieur, mais cela est sans
commune mesure avec les conditions de vie dans un espace confiné, à
plusieurs, et lorsque les sorties de cellule ne sont parfois possibles
que 2 heures par jour. Les conditions d'hygiène sont également
fortement mises à mal.
Il est nécessaire d'être vigilant,
sinon à rendre la peine de prison encore plus insupportable qu'elle
ne l'est déjà. Même si les personnes ont été condamnées à une
peine privative de liberté (ou qu'elles sont en détention
provisoire) il est essentiel d'être attentif à leurs conditions de
vie. Il ne faut se lasser de répéter que même si les personnes ont
commis des infractions, elles doivent se voir reconnaître tous leurs
droits.
La rédaction - Ban Public - Juillet
2007
Statistiques
sur la population carcérale au 1er juin 2007
Chiffres de la population pénale au 1er juin 2007
Au 1er juin 2007, 60
870 personnes étaient incarcérées en France
soit une quasi stabilité (+ 0,3 %) par rapport au mois précédent
(60 698).
Le nombre de personnes prévenues est de
17 691 pour 43 179 personnes condamnées.En juin 2006,
on dénombrait 18 748 prévenus ce qui représente une baisse de
6 % en un an. Les prévenus ne représentent plus que 29 % de
la population pénale.
Les mineurs détenus sont 784 au 1er
juin 2007 au lieu de 712 le 1er mai 2007 (soit une
augmentation de 10 %). Ils représentent 1,3 % de la population pénale.
Au 1er juin 2007, 4 869 personnes
écrouées bénéficientd’un aménagement de peine
soit une hausse de 29 % par rapport au 1er juin 2006 (3 760).
Il y a ainsi 884 personnes bénéficiant d’une
mesure de placement à l’extérieur, 1 679 d’une mesure de
semi-liberté et 2 306 d’un placement sous bracelet électronique (+
81 mesures). Pour mémoire, le nombre de personnes placées simultanément
sous surveillance électronique a franchi pour la première fois le cap
des 2 000 le 1er avril 2007.
(Source : Ministère de la Justice)
8 SUICIDES
OU MORTS SUSPECTES EN DÉTENTION,
ENTRE LE 27 JUILLET ET LE 14 AOÛT
2007
Le nombre de suicides ou de morts suspectes en prison
ne diminue pas de façon significative, avec une moyenne d'un suicide ou
mort suspecte tous les trois jours en prison, soit 7 fois plus qu'en
milieu libre.
On se donne également 7 fois plus la mort au quartier
disciplinaire qu'en détention ordinaire.
Entre le 27 juillet et le 14 août 2007, 8 suicides ou
morts suspectes en détention :
27/07 : mort suspecte d'un jeune
homme de 19 ans, à la MA de Montpellier
27/07 : suicide d'un jeune homme
qui devait sortir en avril 2008, à la MA de Villeneuve les Maguelone
31/07 : suicide d'un homme d'âge
inconnu, à la MA de Metz-Queuleu
03/08 : suicide par pendaison d'un
homme de 36 ans, à la MA de Metz-Queuleu
10/08 : suicide par pendaison d'un
homme de 34 ans au CP de Fresnes
10/08 : mort suspecte d'un jeune
homme à la MA d'Evreux
11/08 : suicide d'un homme d'âge
inconnu au CD de Liancourt
14/08 : suicide par pendaison d'un
homme de 46 ans, à quelques mois de sa libération, après 15 ans de
prison, au CP de Caen
Par la création de son observatoire des suicides et
des morts suspectes en avril 2002, sur son site prison.eu.org, Ban
Public souhaite interpeller l'opinion publique.
2002 : 122 suicides 2003 : 120 suicides
En décembre 2003, Jean-Louis Terra, dans son rapport
de mission à la demande du garde des Sceaux, ministre de la Justice et
du ministre de la Santé de la Famille et des Personnes Handicapées,
fixait un objectif de diminution de 20% du nombre de suicides dans les 5
années à venir...
2004 : 114 suicides 2005 : 122 suicides
Circulaire du 26 avril 2002 NOR JUSE0240075C sur la
Prévention des suicides dans les établissements pénitentiaires :
"L'ensemble des études pointent comme des
périodes de particulière vulnérabilité, outre l'entrée en
détention, certains moments particuliers :
- la période correspondant au jugement ;
- le placement au quartier disciplinaire ;
- la période postérieure à une tentative de suicide
ou à une automutilation."
Conclusion du 20 octobre 2003 du Rapport de la CNCDH
sur les droits de l'homme en prison :
"Le droit à la vie : il est nécessaire de
montrer que l'administration pénitentiaire doit tenir compte de cette
obligation dans la mise en place de certaines procédures (quartier
disciplinaire, isolement...)."
La rédaction - Ban Public - Août
2007
URL de l'article :http://prison.eu.org/article.php3?id_article=9888
Statistiques
sur la population carcérale au 1er juillet 2007
Au 1er juillet 2007, 61 810
personnes étaient incarcérées en France soit une
hausse de 1,5 % par rapport au mois précédent (60 870).
Le nombre de personnes prévenues est de 18
223 pour 43 587 personnes condamnées. En juillet 2006, on dénombrait
18 546 prévenus ce qui représente une baisse de 1,7 % en un
an. Les prévenus ne représentent plus que 29,5 % de la
population pénale.
Les mineurs détenus sont 825 au 1er juillet 2007
au lieu de 784 le 1er juin 2007 (soit une augmentation de 5,2
%). Ils représentent 1,3 % de la population pénale.
Au 1er juillet 2007, 4 979 personnes écrouées
bénéficient d’un aménagement de peine soit une
hausse de 27,2 % en un an.
Il y a ainsi 819 personnes bénéficiant d’une
mesure de placement à l’extérieur, 1 773 d’une mesure de
semi-liberté et 2 387 d’un placement sous bracelet électronique (+
81 mesures). Pour mémoire, le nombre de personnes placées simultanément
sous surveillance électronique a franchi pour la première fois le cap
des 2 000 le 1er avril 2007. (Ministère de la Justice -
31.07.2007)
LA
JOURNÉE MONDIALE DU REFUS DE LA MISÈRE... EN PRISON
Depuis 1987, le 17 octobre est la
journée mondiale du refus de la misère. Cette journée est l'occasion
pour les plus pauvres et pour tous ceux qui refusent la misère et
l'exclusion de se rassembler pour affirmer que la dignité et la
liberté de tous doivent être respectées. Le nombre de personnes
pauvres en prison est plus élevé qu'à l'extérieur. Non seulement les
personnes en situation de précarité matérielle vont plus en prison
que les autres, mais aussi, la prison engage et conforte un processus de
paupérisation.
Les chiffres sont là : 17,5 % des
entrants en prison disent ne pas avoir de protection sociale, 5 % se
déclarent sans abri et 10 % hébergés dans un domicile précaire
(source : revue trimestrielle du Haut Conseil de la santé publique,
septembre 2003). Les critères de pauvreté sont nombreux et les
chiffres précédents peuvent être complétés par le pourcentage de
personnes qui se déclarent illettrées à l'entrée en prison : 11 %.
Il serait simpliste de penser que le
seul fait d'être pauvre incite à la commission d'infraction (comme le
vol). La sur-représentation des classes à faible revenu, à l'entrée
en prison, a de multiples causes.
Les juges ont plus facilement recours
à la détention provisoire pour les personnes offrant peu de garanties
de représentation. Le fait de ne pas avoir de travail, le fait de ne
pas avoir de domicile fixe, sont des facteurs qui incitent les juges à
prononcer des mises en détention provisoire, de manière à être sûrs
que ces personnes puissent être à la disposition de la Justice.
Par ailleurs, la procédure de
comparution immédiate présente, entre autres particularités, celle de
pouvoir conduire à un mandat de dépôt dès la fin de l'audience, y
compris si la peine est égale ou inférieure à 1 an. Ce qui n'est pas
le cas dans les autres procédures où, en vertu de l'article 723-15 du
code de procédure pénale, la convocation par le juge de l'application
des peines est nécessaire pour les peines inférieures à 1 an. La
procédure de comparution immédiate peut être plus facilement choisie
par les procureurs pour des personnes en situation de précarité du
fait du risque de ne pas les voir se présenter à une audience
ultérieure. Pour ces mêmes raisons, des peines de prison fermes sont
plus facilement prononcées.
Enfin, l'octroi d'une libération
conditionnelle dépend essentiellement de 2 facteurs : l'hébergement à
la sortie et le fait d'avoir une promesse d'embauche. Inutile
d'expliquer que la précarité avant l'incarcération, souvent synonyme
de réseau social peu développé, fonde une inégalité certaine quant
à l'octroi d'une libération conditionnelle.
La prison elle-même entretient et
déclenche un processus de paupérisation. D'abord parce que le travail,
toujours rémunéré très en dessous du SMIC horaire du milieu libre,
est loin d'être accessible à tous (le taux de chômage étant
généralement très élevé dans les établissements pénitentiaires).
Ensuite, parce que l'incarcération entraîne la suspension,
éventuellement différée, de certaines prestations sociales perçues
en milieu libre. Certes, les commissions d'indigence, qui se réunissent
en général tous les mois dans les établissements, peuvent verser de
l'argent aux personnes qui n'ont pas plus d'une certaine somme (en
général 30 euros) sur leur compte nominatif. La somme versée est de
l'ordre de 45 euros, sans que jamais cela devienne un revenu mensuel.
Par ailleurs, au-delà de ces aspects
strictement financiers, les liens avec les proches, du fait de
l'incarcération, se distendent ; or la proximité, familiale notamment,
entraîne souvent une solidarité pouvant limiter, voire enrayer, la
précarité.
La journée mondiale du refus de la
misère peut être l'occasion d'interpeller les responsables politiques
sur la question de la pauvreté et de la prison, intimement liées par
une double relation de causalité : d'une certaine manière, la
pauvreté conduit en prison et la prison elle-même rend pauvre.
La rédaction de Ban
Public - Octobre 2007
NOUVELLE LOI PENITENTIAIRE
: un article de l'Observatoire International des Prisons
Préconisations du COR remises à Mme Dati : un
rapport ni fait ni à faire...
Le document dévoilé par le Comité d'orientation restreint
(COR) appelle à une double réaction, la première relativement
à la démarche générale du comité, la seconde concernant le
contenu des recommandations.
Commentaires généraux
Le COR énonce une série de propositions qui
constitue un catalogue disparate, imprécis et incomplet de
recommandations. Il n'a pas inscrit ses travaux de réflexion
dans le cadre de l'exigence affirmée avec force en 2000 par le
Premier président de la Cour de cassation, Guy Canivet, qui était
de faire sortir la prison de l'exception juridique par une loi
garantissant l'ensemble des droits fondamentaux de la personne détenue
et encadrant strictement les restrictions pouvant y être apportées
par l'administration pénitentiaire. Faute de cela, les préconisations
du COR sont loin de la finalité de la réforme de la condition
pénitentiaire, qui aurait dû être de mettre en conformité le
droit de la prison et le statut juridique du détenu avec les
exigences de l'Etat de droit. C'est-à-dire que la loi devrait
établir d'une part que le milieu carcéral est régi selon le
droit commun, et d'autre part que le détenu est titulaire de
tous les droits puisés dans sa qualité de citoyen.
Force est de constater, à l'inverse, que le COR
semble avoir admis comme point de départ les présupposés très
contestables définis par l'administration pénitentiaire elle-même,
dans un document qu'elle lui a remis dès son installation (Direction
de l'administration pénitentiaire, Enjeux, juillet 2007) :
« Les règles pénitentiaires européennes sont pour
l'essentiel déjà transcrites dans notre réglementation »
(p. 5). « Les prisons françaises ne sont pas une honte »
(p. 5), « la France gère bien ses prisons » (p. 6),
« la LOPJ, la loi du 9 mars 2004 et les textes règlementaires
qui les ont suivis ont intégré dans notre cadre normatif
l'essentiel des dispositions qui figuraient dans le projet de
loi pénitentiaire de 2002 » (p. 9). De ce fait, en lieu
et place d'une remise à plat du droit pénitentiaire, le COR
s'est contenté de propositions ponctuelles. Cette exigence
avait pourtant été unanimement approuvée par les formations
politiques siégeant au Parlement et été appuyée par le
Conseil d'Etat et le Comité de prévention de la torture du
Conseil de l'Europe.
A défaut d'avoir privilégié une approche fondée sur le
respect des droits de l'homme en prison - l'expression n'apparaît
d'ailleurs à aucun moment dans le rapport d'étape - le COR a
entendu définir dans le plus grand désordre juridique (voir
ci-dessous) les « devoirs » des détenus. Ce
faisant, il intègre dans ce chapitre deux mesures en face
desquelles toute l'attention du législateur devrait être
requise pour protéger la dignité des personnes : la fouille et
le placement au quartier disciplinaire.
Par ailleurs, le COR est silencieux sur les projets d'ores et
déjà très contestés annoncés par Mme Dati comme devant
figurer dans la loi pénitentiaire : réforme de l'attribution
des réductions de peine et instauration de lieux d'enfermement
post-peine, remise en cause du secret médical.
L'OIP a, lors de son audition par le COR le 15 octobre 2007,
fait une double suggestion à l'ensemble de ses membres :
renoncer à produire un nouvel ensemble de préconisations en
lieu et place des recommandations élaborées par les instances
de protection des droits de l'homme françaises et européennes ;
mais exiger d'obtenir le texte de la future loi pénitentiaire
et d'être la sentinelle intransigeante de sa conformité avec
ces recommandations.
L'OIP a si peu été entendu qu'il a disparu de la liste des
auditions du COR.
Les préconisations
du COR
Ces recommandations sont de trois types.
A.
Soit elles sont dénuées de sérieux.
Par exemple, au chapitre des devoirs des détenus, comme pour
des locataires ordinaires, le COR entend instaurer « un état
des lieux d'entrée et de sortie » à l'appui d'une
« obligation de respect et d'entretien des lieux de vie du
détenu ». On attend avec impatience l'état des lieux
entrants de détenus en maison d'arrêt : « entrée
dans une cellule vétuste, nombreuses fuites, toilettes
ignobles, deux autres locataires pour neuf mètres carrés. Je
m'engage à rendre ce bien dans l'état dans lequel je l'ai
trouvé ». Une telle recommandation est du reste tout à
fait déplacée au regard de la gravité des manquements de
l'administration au regard des normes minimales d'hygiène et de
salubrité. De même, la volonté de donner une suite pénale à
toutes les agressions survenues en détention n'est aucunement
de nature à assurer la protection effective de l'intégrité
des personnes.
B.
Soit elles sont contestables.
Parfois le COR semble ne pas voir que ce qu'il propose
est une véritable régression visant non pas à faire
progresser le droit mais à mettre le droit en accord avec les
faits, entériner juridiquement des pratiques existantes. Il en
est ainsi de la proposition d'étendre à 2 ans la période
pendant laquelle les condamnés peuvent être maintenus en
maison d'arrêt alors qu'en avril 2001, dans le cadre d'une
proposition de loi adoptée à l'unanimité, les sénateurs
avaient réaffirmé la nécessité d'assurer le respect de la
loi en matière d'affectation en établissement pour peine (en
supprimant la possibilité de maintien au delà d'un an).
D'autres recommandations se révèlent être l'exacte
reproduction - ou presque - des propres attentes de la direction
de l'administration pénitentiaire (DAP), communiquées sous
forme d' « hypothèses » au COR au fil de ses
travaux. Ainsi en est-il de la durée maximale de punition de
cellule disciplinaire que le COR souhaite voir fixée à 28
jours, qui correspond à peu de chose près aux intentions de la
chancellerie (30 jours), alors même qu'une telle durée est
plus de trois fois supérieure à celle prévue par la loi belge
de 2001 (9 jours). Une telle sanction constitue pourtant un
traitement d'un autre âge, que la Commission nationale
consultative des droits de l'homme avait entendu proscrire en
recommandant son remplacement par le confinement en cellule.
De même, le COR se refuse à mettre le régime disciplinaire
des détenus en conformité avec les principes du procès équitables
garantis à l'article 6 de la Convention européenne des droits
de l'homme en confiant le pouvoir de sanction à une instance
indépendante et impartiale. Il se contente de préconiser un
raccourcissement du délai imparti au directeur interrégional
pour statuer sur le recours du détenu sanctionné - contrôle
dont tout le monde s'accorde à dire qu'il est dépourvu
d'effectivité ; ainsi que la possibilité d'exercer une
procédure en référé devant la juridiction administrative -
ce qui est déjà le cas depuis la loi du 30 juin 2000 sur les référés
d'urgence.
Pareillement, s'agissant des relations intimes entre la
personne détenue et ses proches, le COR se contente de
reprendre le principe de l'extension des unités de visites
familiales, sans aborder la question des conditions de visites
au parloir ordinaire. Plus largement, aux termes des préconisations
du COR, l'intimité du détenu en détention tient dans une
armoire fermée à clé...
En outre, en partant des hypothèses de l'administration, et
non des recommandations des instances de protection des droits
de l'homme, le COR passe totalement sous silence des domaines
entiers que la loi se doit de réformer. Ainsi, le régime
d'isolement, qui a été vivement critiqué par le Comité
anti-torture de l'ONU, est totalement passé sous silence. Même
chose s'agissant des transferts, constamment utilisés comme
sanction déguisée. L'usage des moyens de contrainte et de la
force n'est pas davantage abordé, alors même que la France a
été condamnée à deux reprises par la Cour européenne pour
l'utilisation abusive d'entraves et que les modalités d'action
des Equipes régionales d'intervention et de sécurité (ERIS)
ont été critiquées par le Comité de prévention de la
torture et la Commission nationale de déontologie de la sécurité.
Par ailleurs, le COR passe sous silence la question de la
garantie des droits, notamment en urgence. Le droit européen
exige que les détenus puissent soumettre leurs griefs très
rapidement à un juge lorsqu'ils allèguent être victime d'un
traitement dégradant. Les conditions d'accès des détenus au
juge de l'urgence et, plus largement, le droit à un recours
effectif ne sont pas envisagés.
C.
Soit les recommandations vont dans le bon sens,
mais, faute de précisions, sont réduites à des vœux pieux.
Par exemple, le COR proclame sa volonté
d'aboutir au respect de l'encellulement individuel. Mais, au
rythme de l'inflation carcérale actuelle, l'administration pénitentiaire
a fait savoir, dans le document rassemblant ses « hypothèses »,
qu'elle ne sera pas en mesure de respecter ce principe avant
2016, et a suggéré de repousser en 2012 l'échéance
aujourd'hui fixée par la loi en juin 2008. Le COR n'a pas,
chiffres en main, déterminé de manière possible d'atteindre
l'encellulement individuel à bref délais. Et pour cause, il n'émet
aucune observation sur les conséquences pénitentiaires de la
politique pénale du gouvernement. Il en va de même des préconisations
concernant la libération conditionnelle, qui font l'impasse sur
toute analyse de fonds des raisons du déclin très rapide de
cette mesure au cours des 5 dernières années.
|
05.12.2007
Future loi pénitentiaire :
les propositions du comité
(vendredi 30 novembre 2007)
Le ministre de la justice a reçu le 20 novembre 2007
le rapport du « Comité d’orientation restreint de la loi pénitentiaire ».
Ce document présente 120 préconisations destinées à orienter les
travaux « d’élaboration du projet d’une grande loi pénitentiaire ».
Le rapport propose en premier lieu de faire de la
privation de liberté une sanction de dernier recours, par le développement
des aménagements de peine et la création d’une nouvelle peine
« d’assignation à résidence » sous surveillance électronique.
Le Comité se prononce par ailleurs en faveur de la mise en œuvre
dans un « délai le plus rapproché possible » de
l’encellulement individuel. Disposition inscrite dans le code de
procédure pénale (article 716), elle avait été instituée par la
loi sur la présomption d’innocence de 2000 qui prévoyait sa réalisation
pour l’année 2003, avant que celle-ci soit repoussée à juin 2008.
Selon les chiffres du ministère, 61 763 personnes étaient détenues
au 1er novembre 2007 en métropole et outre-mer, contre 50 727 places.
Installé en juillet 2007, le Comité se compose de
représentants d’organisations syndicales, de professionnels de la
justice et de membres de la société civile : magistrats, éducateurs,
aumônier, avocat, universitaire, syndicats de surveillants, etc.
Sites internet publics sélectionnés
Discours de Madame Rachida Dati, Garde des sceaux, Ministre de la Justice
à l’occasion des IVe rencontres parlementaires sur les prisons
Maison de la Chimie, Paris, jeudi 13 décembre 2007
Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Procureur général, Monsieur le Bâtonnier,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Messieurs les représentants des organisations syndicales,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureuse d’intervenir aujourd’hui à l’occasion des 4es rencontres
parlementaires sur les prisons. Je veux en remercier les initiateurs : Marylise
Lebranchu et vous, Cher Philippe Houillon.
C’est vrai. La prison se réforme, la prison change. Nous ne sommes plus au stade
des voeux. Nous ne sommes plus au stade des questions. Nous ne sommes plus au
stade de la réflexion. Nous sommes au stade de l’action. La prison se réforme. C’est
aujourd’hui une réalité.
La première loi pénitentiaire voulue par Albin Chalandon a été votée il y a plus de
vingt ans.
Des travaux parlementaires de qualité ont montré la nécessité de réformer notre
système pénitentiaire. Il y a eu les rapports des commissions d’enquête en 2000,
l’une de l’Assemblée nationale présidée par Louis Mermaz sur la situation dans les
prisons et l’autre du Sénat, présidée par Jean-Jacques Hyest, sur les conditions de
détention dans les établissements pénitentiaires.
Des réformes ont été envisagées. Elles n’ont pas abouti.
Le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) a effectué une visite
en France du 27 septembre au 9 octobre 2006. Il nous a fait part d’un certain nombre
d’observations. J’entends y répondre de façon concrète.
Dès mon arrivée au ministère de la Justice, j’ai voulu changer les prisons. Je suis
allée sur place. J’ai rencontré des surveillants, des directeurs, des personnels
d’insertion et de probation, des associations.
Le 11 juillet 2007, j’ai installé un comité d’orientation restreint présidé par Jean-
Olivier VIOUT, Procureur général près la Cour d’appel de Lyon. Cette instance a été
chargée de réfléchir à l’élaboration d’une nouvelle loi pénitentiaire. Elle regroupe des
personnalités d’horizons divers.
Elles n’ont pas toutes la même vision de la prison. C’est en croisant les regards que
l’on pourra faire évoluer les choses.
Le comité d’orientation a effectué un immense travail en quelques mois. Il m’a remis
120 propositions. Elles contribuent à alimenter la préparation du projet de loi
pénitentiaire. Mes services conduisent en ce moment un important travail
interministériel.
Le texte de loi sera présenté au Parlement dans le courant du prochain semestre. Je
peux d’ores et déjà vous indiquer que ce texte réformera en profondeur notre
système pénitentiaire. Il n’y aura pas de demi-réforme. Il n’y aura pas de demi-
mesure. Ce sera une réforme d’ampleur.
La prison de demain doit respecter davantage la dignité des personnes
incarcérées (I).
Elle doit aussi devenir un lieu où se construit l’avenir des personnes
incarcérées (II).
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I – Il faut que la prison respecte davantage la dignité des personnes
incarcérées.
La société a besoin de la sanction. La prison est la sanction ultime.
En même temps, la prison est la rencontre de détresses humaines : on y retrouve
souvent des personnes sans repères sociaux, sans travail ni formation. Des
personnes qui souffrent de dépendances ou de maladies.
C’est cela, la réalité de la prison. L’administration pénitentiaire ne gère pas des
détenus. Elle prend en charge des hommes et des femmes qui accomplissent une
peine privative de liberté. Leur privation de liberté doit s’effectuer dans le respect de
leur dignité.
1) Le budget pour 2008 nous donne les moyens de mieux respecter la dignité
des personnes incarcérées.
Le Parlement vient d’adopter le budget de la Justice. C’est un budget ambitieux. Il
reflète la volonté du Gouvernement de moderniser la Justice. Les crédits
consacrés à l’administration pénitentiaire progressent de 6,4 % pour atteindre 2,4
milliards d’euros.
Vous l’avez entendu depuis ce matin : les prisons françaises souffrent de
surpopulation et du caractère vétuste de certains établissements.
Actuellement, plus de 61.000 personnes sont incarcérées pour 50.000 places
disponibles. Le taux d’occupation dépasse les 120 %. La situation dans les
établissements d’Outre-mer est encore plus préoccupante.
Cette surpopulation touche bien évidemment les détenus. Ils souffrent de
promiscuité. Leur droit à l’intimité ne peut pas toujours être respecté.
Les personnels des établissements en subissent aussi les effets. Leur travail est plus
difficile.
Les tensions avec les détenus sont plus nombreuses. Il faut faire preuve de vigilance
à chaque instant.
Cette situation est accentuée dans les établissements les plus anciens. Sur
l’ensemble de nos établissements, près de 100 ont été construits avant 1912. Ces
bâtiments ne sont plus adaptés aux exigences actuelles. Ils ne permettent plus
d’assurer une prise en charge convenable des détenus. Les conditions d’hygiène
sont insatisfaisantes.
C’est cette situation qu’a dénoncée le Président Robert Badinter. Il a raison de dire
qu’elle est alarmante et parfois indigne de notre République.
Cette situation, nous voulons la changer.
Le budget prévoit la création de 1.100 postes supplémentaires dans l’administration
pénitentiaire. Aucune autre administration de l’Etat ne bénéficie d’un tel effort.
Ces créations de postes contribueront notamment à l’ouverture des nouveaux
établissements pénitentiaires.
L’effort financier portera également sur l’immobilier. Sept nouveaux établissements
ouvriront leurs portes en 2008. Sept autres ouvriront en 2009.
La question de l’encellulement individuel demeure au coeur de nos
préoccupations. C’est une question essentielle. Il n’est pas facile d’y répondre.
L’encellulement individuel permet d’éviter la promiscuité. Il faut savoir aussi que
beaucoup de détenus ne veulent pas être seuls. Je crois que la réponse à cette
question doit être pragmatique. Elle passe par la construction de nouvelles places.
Elle passe aussi par un meilleur accompagnement des détenus.
C’est pour cela que le Gouvernement a engagé un effort budgétaire significatif.
Mais créer des places en détention ne changera pas tout.
2) Respecter la dignité des détenus, c’est aussi leur reconnaître des droits et
des devoirs.
La future loi pénitentiaire tiendra compte de cette nécessité.
Les règles pénitentiaires européennes nous offrent un cadre éthique et une charte
d’action. Ces 108 règles contiennent des recommandations relatives aux conditions
de détention des personnes détenues. La plupart d’entres elles sont déjà mises en
oeuvre par la Direction de l’administration pénitentiaire.
Je pense par exemple à la création des unités de visite familiale pour le maintien
des liens familiaux.
Dans ce cadre européen, l’administration pénitentiaire a mis en place un projet de
développement des programmes de prévention de la récidive. Ces programmes
complètent la prise en charge individuelle. Il s’agit de groupes de parole animés par
des conseillers d’insertion et de probation. Ils aident les délinquants à réfléchir aux
conséquences de leur conduite criminelle. Ils les amènent à mieux se connaître et à
mieux se contrôler. Ces programmes permettent aux détenus de mieux reconnaître
et d’éviter les situations qui précèdent le passage à l'acte. Un million d'euros sera
consacré en 2008 à la mise en oeuvre expérimentale du dispositif.
La future loi pénitentiaire permettra d’aller encore plus loin. Des mesures
concrètes seront prévues. Elles permettront aux personnes privées de liberté de
bénéficier de droits élémentaires. Les personnes détenues pourront par exemple
élire domicile à l’établissement pénitentiaire.
Cela permettra de faciliter les démarches administratives, notamment pour obtenir
des documents d’identité.
La loi pénitentiaire permettra d’améliorer la situation des détenus les plus
démunis.
Ces mesures concrètes s’accompagneront d’un meilleur contrôle des conditions de
détention. C’est l’objet de la loi du 30 octobre 2007 instituant un contrôleur général
des lieux de privation de liberté. Je suis particulièrement fière d’avoir porté ce texte
devant le Parlement. Il permettra au contrôleur général d’avoir accès aux 6 000 lieux
de privation de liberté. Il pourra s’assurer du respect des droits fondamentaux des
personnes.
Le travail de l’administration pénitentiaire est exemplaire. Il s’effectue dans des
conditions souvent difficiles. Je souhaite que ce travail s’exerce dans la plus grande
transparence. Le décret d’application de la loi est aujourd’hui prêt. Nous sommes en
train de le finaliser avec les autres départements ministériels. La création d’un
contrôleur général est une grande avancée pour notre pays.
Comme vous le voyez, la prison se réforme. Il n’y a pas que les conditions de la
détention qui doivent changer. L’amélioration de la prise en charge des détenus est
notre objectif.
***
II -La prison doit devenir un lieu où se construit l’avenir des personnes
incarcérées.
La prison est un temps d’isolement mais aussi un passage. Il arrive un jour où la
personne condamnée va sortir de prison. Ce temps doit être utile. Il faut mettre à
profit le temps de l’incarcération pour préparer le retour à la liberté.
C’est ainsi que nous pourrons faciliter la réinsertion des détenus et lutter
efficacement contre la récidive.
1) Je souhaite tout d’abord que nous développions l’éducation, la formation et le
travail en prison. Ce sera l’une des priorités de la loi pénitentiaire.
Cette loi reconnaîtra un véritable droit à l’insertion. Chaque détenu pourra
bénéficier d’un parcours de mobilisation. Ces parcours offriront une remise à niveau
scolaire. Ils proposeront également des formations professionnelles. Un repérage
des détenus non francophones ou illettrés sera également assuré dans les
établissements.
Une allocation égale à 15 % du RMI sera versée aux détenus les plus démunis qui
suivent ces parcours. Toutes ces mesures sont à l’étude.
S’agissant du travail en détention, il faut le développer.
Chez certains de nos voisins européens, les détenus ont l’obligation de travailler.
C’est le cas en Grande-Bretagne et en Allemagne. En pratique, ce n’est pas toujours
possible. Ce principe se heurte souvent aux contraintes de la détention et aux
réalités économiques.
La loi pénitentiaire incitera au travail des détenus. Des conventions seront
passées entre l’administration pénitentiaire, les établissements et les partenaires.
Les conditions de travail et de rémunération seront fixées par un acte qui établira un
lien entre le chef d’établissement et la personne détenue. Nous y travaillons
actuellement.
Je souligne à cette occasion le rôle essentiel que jouent les associations en matière
de formation et d’apprentissage. Leur action complète celle des éducateurs et des
collectivités locales. Leur concours est précieux.
2) Nous devons également développer les soins lors de la détention. Il faut que le
temps passé en prison soit mis à profit pour se soigner. 24 000 détenus seraient
atteints de troubles psychiatriques ou de dépression.
La loi du 18 janvier 1994 a été une réforme d’ensemble des soins en détention.
Elle a reconnu aux détenus un accès aux soins. Chaque établissement dispose
d’une unité de consultation et de soins. 26 services régionaux permettent une
prise en charge des pathologies psychiatriques.
La loi d’orientation et de programmation pour la Justice a créé les unités
hospitalières spécialement aménagées. Elles sont destinées à accueillir, avec ou
sans leur consentement, les détenus atteints de troubles mentaux. Ce sont des
unités hospitalières implantées en établissement de santé. Les premières créations
interviendront en 2009. Les lois du 5 mars 2007 et du 10 août 2007 ont également
renforcé l’incitation aux soins.
L’offre de soins en détention a progressé.
Pourtant, en fin de peine, certains détenus sont encore particulièrement dangereux.
Nous avons la crainte d’un nouveau passage à l’acte. Plusieurs rapports
parlementaires se sont succédés sur la question de la dangerosité : le rapport du
député Jean-Paul Garraud, le rapport des sénateurs Philippe Goujon et Charles
Gautier.
Tous ces rapports ont conclu à la nécessité de mettre en place un dispositif
permettant d’écarter de la société les délinquants les plus dangereux.
C’est l’objet du projet de loi sur la rétention de sûreté que j’ai présenté mardi à la
commission des lois de l’Assemblée nationale. Les auteurs de crimes contre les
enfants pourront être placés en centre fermé lorsqu’ils seront estimés encore
dangereux : ce sont les centres socio-médico-judiciaire.
Les personnes y bénéficieront, de façon permanente, d’une prise en charge
médicale et sociale. Leur situation sera réexaminée chaque année. Quand la
rétention prendra fin, la personne pourra être soumise à des obligations particulières.
Elle pourra être placée sous surveillance électronique mobile. Une injonction de
soins pourra être ordonnée.
En cas de manquement à ces obligations, la personne pourra faire l’objet d’une
nouvelle mesure de rétention. C’est un dispositif ambitieux. Il protégera mieux nos
concitoyens.
3) Pour préparer l’avenir, il faut enfin mettre en place une politique ambitieuse
d’aménagement des peines. Il faut éviter les « sorties sèches ». A l’heure actuelle,
10 % des personnes condamnées bénéficient d’un aménagement de peine. C’est 39
% de plus depuis un an.
2 307 personnes sont placées sous bracelet électronique ; 1 724 personnes sont
sous le régime de la semi-liberté et 800 en placements extérieurs. Il faut aller plus
loin.
Je souhaite notamment développer les libérations conditionnelles. Au cours du 1er
semestre 2007, le nombre de libérations conditionnelles a augmenté de 6 % (3 113
contre 2 937 pour la même période de 2006).
En 2008, le budget du ministère de la Justice consacrera également 5,4 millions
d’euros au financement des bracelets électroniques fixes ou mobiles. 3 000
bracelets seront disponibles.
Le décret du 16 novembre 2007 facilite les aménagements de peine. Il assouplit le
régime des permissions de sorties pour favoriser la recherche d’un logement ou d’un
emploi.
Enfin un million d’euros sera destiné au financement des associations qui
accueillent des détenus.
Je salue à cette occasion l’action des associations qui accompagnent les condamnés
tout au long de la mesure d’aménagement. Elles font un travail formidable. Nous leur
devons beaucoup.
***
Mesdames et Messieurs,
Vous le voyez, la prison se réforme. C’est une réalité. Il y a encore beaucoup à faire.
Vous pouvez compter sur ma détermination pour poursuivre l’effort engagé.
Je souhaite aussi pouvoir compter sur vous dans cet effort. La réforme des prisons
ne doit pas être partisane. Elle ne doit pas se heurter à des considérations
politiciennes. Je serai heureuse qu’elle puisse se faire de façon consensuelle.
La loi pénitentiaire reflètera la vison que la Nation a de ses prisons. Je souhaite
qu’un véritable débat national ait lieu. Je souhaite que les parlementaires y prennent
toute leur place et que les associations s’y expriment.
Nous sommes à l’aube de grands changements.
La loi pénitentiaire sera le fondement d’une nouvelle politique pénitentiaire. Elle
façonnera notre conception de la détention pour les années à venir.
Elle sera l’image de la France, protectrice universelle des droits individuels.
C’est un moment important. Ne le manquons pas.
Je vous remercie.
Statistiques
sur la population carcérale au 1er avril 2008
Au 1er avril 2008, 63
211 personnes étaient incarcérées
en France, ce qui représente une légère hausse (+ 0,1 %)
par rapport au mois précédent (62 586).
Le nombre de personnes prévenues s’élève à
17 466 pour 45 745 personnes condamnées. En
avril 2007, on dénombrait 18 226 prévenus ce qui représente
unebaisse de 4,2% en un an.
Les mineurs détenus sont 749 au 1er
avril 2008 au lieu de 785 un mois plus tôt. Ils
représentent aujourd’hui 1,2 % de la population pénale.
Au 1er avril 2008, 5 783 personnes écrouées
bénéficient d’un aménagement de peine (4
470 au 1er avril 2007), avec une progression
annuelle de 29,4 %. Aujourd’hui, 11,7 % de
l’ensemble des personnes condamnées bénéficient d’un aménagement
de peine.
Les mesures d'aménagement de peine et
alternatives à l'incarcération sont en nette hausse : au 1er
avril 2008, 865 personnes bénéficient d’une mesure de
placement à l’extérieur (contre 778 au 1eravril
2007), 1 894 d’une mesure de semi-liberté (contre 1 603 au
1eravril 2007) et 3 924 d’un placement sous
bracelet électronique (contre 2 087 au 1er avril
2007).
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