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L'élaboration de la future loi pénitentiaire (source : Ministère de la Justice : http://www.justice.gouv.fr/presse/loipenit1.htm)

 

                    Chargée par le Premier ministre de l'élaboration d'un projet de loi pénitentiaire, la Garde des Sceaux Marylise Lebranchu a souhaité que la préparation de ce texte soit l'occasion d'une vaste consultation.

Elle a donc réuni à ses côtés un conseil d'orientation stratégique composé d'une trentaine de professionnels intervenant à différents titres sur la prison et de représentants des associations partenaires de l'administration pénitentiaire. Sa mission : conseiller la ministre sur les arbitrages à rendre dans la rédaction de ce texte.

Depuis le 21 mars, le COS s'est réuni à sept reprises, et a clôturé ses travaux le 19 septembre. Au cours de ces rencontres, ses membres ont délibéré et se sont concertés sur les grands thèmes retenus par la loi : le sens de la peine et son exécution, les droits et obligations des détenus, l'organisation et les missions du service public pénitentiaire et de ses agents, le contrôle extérieur des établissements pénitentiaires.

C'est à partir de fiches rédigées par un groupe de rédacteurs dédié à ce projet de loi que les membres du COS ont construit leurs échanges. Ce groupe de rédacteurs est constitué des conseillers techniques de la ministre spécialisés sur les questions pénitentiaires, de personnels pénitentiaires et de magistrats issus des services centraux de la direction, et de quatre juristes extérieurs. Sur la base des arbitrages rendus par la Garde des Sceaux, ce groupe de rédacteurs a également la charge de la rédaction du projet de loi.

Quatre groupes de travail ont été également constitués : l'un regroupant les organisations syndicales pénitentiaires, l'autre, les représentants des organisations professionnelles de magistrats et d'avocats, le troisième, regroupant les représentants des associations spécialisées de magistrats et de médecins travaillant en milieu pénitentiaire, et le quatrième, ceux des associations partenaires de l'administration pénitentiaire. Ces quatre groupes ont été réunis la veille ou le lendemain de chaque COS, et réagissaient aux même documents fournis par le groupe de rédacteurs.

Les réflexions du COS et les travaux des rédacteurs ont pu également s'enrichir des résultats de la très vaste concertation voulue par la ministre auprès des services déconcentrés. Marylise Lebranchu confiait en effet le 17 janvier le soin aux directeurs régionaux des services pénitentiaires d'organiser une consultation de tous les personnels placés sous leur autorité et de tous leurs partenaires. Au cours des trois premiers mois de cette année, chaque établissement pénitentiaire a fait valoir ses souhaits de modification, ainsi que ceux des professionnels intervenant dans son périmètre.

© Ministère de la justice - Juillet 2001

 

Points forts de l'avant-projet


Le présent document de présentation générale de l'avant-projet de loi est une synthèse qui organise le plan du futur projet de loi et décrit de manière précise les orientations prises par la ministre. Il reprend donc en les développant les cinq principaux thèmes retenus :

 

  • le sens de la peine y sera, pour la première fois en droit français, défini légalement, à partir des éléments de jurisprudence, notamment la décision du Conseil Constitutionnel en date du 20 janvier 1994. Parallèlement, la loi procèdera à un certain nombre de modifications concernant l'application des peines. A noter notamment l'introduction d'un dispositif analogue à la liberté conditionnelle et à la suspension de peines pour permettre la libération des condamnés gravement malades dont l'état est jugé, après expertise, incompatible avec la détention.

  • Le service public pénitentiaire voit ses missions affirmées et développées : outre les missions déjà reconnues de garde et de réinsertion des personnes placées sous main de justice, le projet de loi en précise une troisième, celle de l'accompagnement individuel quotidien de ces personnes. Les postes de surveillance pourront être spécialisés autour de ces trois missions, exercées en alternance par les personnels, avec l'instauration de passerelles entre ces différents profils.

Le projet de loi affirme que ces missions s'inscrivent dans le respect des droits fondamentaux, et ont pour objet la prévention de la récidive et la réinsertion. En outre, dans l'exécution de ces missions, les agents verront leurs droits affirmés : la protection juridique à leur service et l'assistance qui leur est due en cas d'agressions pour causes professionnelles seront renforcées. Dans le souci d'une plus grande proximité avec la réalité du terrain, la gestion de ces agents sera déconcentrée.

Le texte précise également le cadre du futur code de déontologie auquel seront soumis les personnels pénitentiaires, ainsi que l'ensemble des personnes oeuvrant au sein de cette administration.

Elément fort de ce texte : celui relatif à l'organisation de l'administration pénitentiaire, et à la nouvelle classification de ses établissements. " Considérant que le régime juridique applicable aux détenus ne peut pas être identique dans tous les établissements pénitentiaires, sauf à faire subir à la majorité d'entre eux des contraintes qui ne sont nécessaires qu'à une minorité ", les détenus seront répartis dans les établissements non pas en fonction du quantum de leur peine restant à subir, mais sur leur profil, déterminé à partir de critères objectifs légalement définis. Si la distinction entre établissements pour prévenus et établissements pour condamnés demeure, elle peut être assouplie sur décision du juge d'application des peines. Des établissements pour prévenus à vocation régionale pourraient regrouper les détenus présentant les risques les plus importants pour l'ordre et la sécurité. A leurs côtés, les établissements pour condamnés se qualifient en fonction de trois niveaux, du régime le plus libéral, axé principalement sur la réinsertion, à celui nécessitant un plus grand niveau de contrainte. Quel que soit ce niveau, les missions d'accompagnement dans la vie carcérale et de préparation à la sortie seront assurées avec des moyens humains et matériels adaptés à la personnalité des détenus.

  • Le régime disciplinaire des personnes détenues se réforme en profondeur. La commission de discipline s'élargira à une personnalité extérieure. L'échelle des sanctions, conformément aux pratiques constatées dans la majeure partie des pays européens, sera considérablement réduite, puisque la peine maximale de punition en quartier disciplinaire passe de 45 à 20 jours pour les majeurs. L'instruction des faits sera confiée à un gradé bénéficiant d'une qualification particulière

  • La condition juridique de la personne détenue s'affirme, à partir notamment des observations formulées par les rapports des deux assemblées sur la condition carcérale. C'est donc au niveau législatif qu'il sera rappelé que, même incarcérée, la personne reste un citoyen, " seulement " privé de sa liberté d'aller et venir. Le détenu reste donc titulaire des droits fondamentaux du citoyen (intégrité physique, liberté d'expression, santé, formation, maintien de ses droits sociaux…), limités par la loi en raison des contraintes inhérentes à la détention. Cette avancée essentielle permet de moderniser le mécanisme juridique relatif à la personne détenue, jusqu'alors régi par des textes de nature réglementaire.

Dans le cadre de l'affirmation au droit à la vie privée et au maintien des droits familiaux, le principe du droit à l'intimité sera reconnu à la personne détenue, conduisant à l'aménagement d'un principe fondamental du métier pénitentiaire, celui de la surveillance constante.

L'avant-projet prévoit d'allonger la durée du maintien des enfants auprès de leurs mères détenues au-delà de l'âge limite actuel, dix-huit mois. Il assouplit également le principe de surveillance de la correspondance des détenus dans les établissements pour condamnés, reprend au niveau législatif l'ensemble des textes régissant l'usage de la contrainte, et réserve les fouilles à corps aux situations où elles s'avèrent indispensables au maintien de la sécurité.

Il est également rappelé le devoir d'obéissance des détenus à l'égard du personnel pénitentiaire.

  • Le contrôle extérieur des établissements pénitentiaires, selon les préconisations du rapport Canivet, sera également prévu par le projet de loi : un contrôleur extérieur entièrement indépendant entrera en fonction, après avoir été nommé en conseil des ministres sur proposition de personnalités également indépendantes, pour une durée de six ans non renouvelable. Il exercera son contrôle sur les conditions de détention et disposera à cette fin d'un pouvoir d'enquête. Il remettra un rapport annuel au gouvernement. Les autres instances de contrôle (par les autorités judiciaires, préfectorales…) des établissements pénitentiaires seront également réformées, dans le cadre de ce projet de loi.

© Ministère de la justice - Juillet 2001

 

Annexe

 

Le 27 juin 2001, la Commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République a entendu, sur le rapport de M. Jacques Floch, les conclusions de la mission d'information sur le suivi de la commission d'enquête sur les prisons.

Après avoir rappelé que la mission d'information avait été constituée parallèlement à l'installation, par la Chancellerie, du Conseil d'orientation stratégique, afin de permettre à la représentation nationale d'être associée à l'élaboration du projet de loi destiné à réformer l'exécution des peines et le système pénitentiaire, le rapporteur a indiqué que la mission avait procédé à l'audition de différentes personnalités qui, soit n'avaient pas été entendues par la commission d'enquête, soit n'avaient pas achevé leurs travaux lors de la publication de son rapport. S'appuyant sur les observations formulées par M. Eric Lallement, sous-directeur de l'administration pénitentiaire et par M. Bruno Clément, directeur de la maison d'arrêt de Loos-les-Lille, sur la mise en place du bracelet électronique, il a estimé que cette mesure d'exécution de la peine était un des moyens pour éviter l'enfermement, mais ne devait pas être considéré comme la solution miracle aux problèmes de la détention, notamment en raison de son coût. Il a jugé nécessaire de réfléchir au public susceptible de bénéficier d'une telle mesure, qui doit nécessairement être limitée dans le temps, les détenus ne supportant pas une telle surveillance plus de trois ou quatre mois. Il a souhaité, en tout état de cause, que le placement sous surveillance électronique se substitue à l'enfermement et non au contrôle judiciaire. Tout en observant que les personnels semblaient plutôt satisfaits de ce nouveau dispositif, qui permet de diversifier leurs tâches, il a souligné la nécessité de mettre en place une politique de formation des agents de l'administration pénitentiaire à ce nouveau mode d'exécution de la peine.

Il a ensuite fait part du souhait de M. Jean-Luc Domenech, directeur de l'Institut national d'aide aux victimes, de revaloriser la place des victimes dans le prononcé et l'exécution de la peine, observant que celui-ci proposait notamment que l'on puisse solliciter du détenu une contribution complémentaire sur son pécule destinée à l'indemnisation de la victime. Il a précisé que M. Domenech, tout en étant favorable à une information de la victime lors du prononcé de la peine, n'estimait pas souhaitable de prévoir une telle information lors de l'octroi d'une mesure de libération conditionnelle, craignant que cela ne ravive la douleur des victimes qui cherchent avant tout à oublier. M. Jacques Floch a également présenté rapidement le point d'accès au droit mis en place par le barreau de Paris à la maison d'arrêt de la Santé, observant que ce dispositif avait suscité des revendications des personnels, qui ont eu des difficultés à comprendre que les détenus puissent bénéficier de consultations juridiques gratuites, auxquelles ils n'avaient pas eux-mêmes accès.

Le rapporteur s'est ensuite félicité de l'étroite collaboration entre les membres de la mission et la Chancellerie dans le processus d'élaboration du projet de loi, soulignant que celle-ci travaillait de manière transparente. Il a jugé nécessaire que les réflexions se poursuivent sur les modalités d'exécution de la peine, notamment sur les très longues et les très courtes peines, observant que le dispositif actuel conduisait à de nombreuses récidives. Il a annoncé qu'une note d'information, comportant un compte rendu des travaux de la mission ainsi qu'une note de synthèse de la Chancellerie et un communiqué de l'Observatoire international des prisons sur les résultats de la consultation nationale des personnels, serait distribuée aux membres de la commission des Lois et de la mission. Après avoir indiqué que le projet de loi serait sans doute déposé au début de la prochaine session, il a insisté sur la nécessité d'examiner ce texte, ne serait-ce que dans une seule assemblée, avant la fin de la législature.

Après avoir approuvé l'envoi de la note d'information à l'ensemble des membres de la commission et de la mission, M. Bernard Roman, président, a proposé qu'elle fasse l'objet d'une présentation à la presse, soulignant la continuité du travail parlementaire sur ces questions, après le rapport de la commission d'enquête. Il a souhaité qu'au-delà de ce travail de réflexion, la commission des Lois rappelle au Gouvernement l'urgence du plan de rénovation pour les prisons. Il a observé, à cet égard, que dix-huit mois après l'annonce de l'affectation de 10 milliards de francs à ces rénovations, aucune dépense n'avait encore été engagée. Tout en reconnaissant que ces lenteurs étaient communes à toutes les administrations centrales, qui sont dans l'ensemble incapables de mener des opérations concertées avec d'autres acteurs, comme l'a récemment prouvé le dossier des opérations de police qui va trouver un début d'application à Lille, quatre ans après son annonce, il a insisté sur le rôle d'aiguillon que les parlementaires devaient jouer en la matière.

Félicitant le rapporteur pour le travail de suivi qu'il a accompli, M. Louis Mermaz a suggéré de donner le plus large écho aux conclusions auxquelles la mission est parvenue, afin qu'elles puissent trouver un relais dans l'opinion publique. Il a fait part de ses craintes que les récents événements dans les prisons ne contribuent, en effet, à alimenter les discours autoritaires et à influencer l'état de l'opinion, pourtant plutôt favorable à l'amélioration de la situation carcérale. Evoquant la visite de la maison d'arrêt de Basse-terre qu'il avait eu l'occasion d'effectuer dans le cadre de la commission d'enquête, il a précisé que, selon les affirmations de l'ancien directeur de l'établissement, rencontré récemment, aucune opération de réhabilitation n'a été entreprise depuis, malgré le rapport de la commission d'enquête dénonçant cette situation inadmissible.

Il a déploré à cet égard les lenteurs de l'administration pénitentiaire, ainsi que la concentration excessive des procédures de décision, qui aboutissent à cette situation paradoxale d'une sous-consommation importante des crédits face à des besoins immenses.

Approuvant les propos de M. Louis Mermaz, M. Emile Blessig a estimé qu'étaient ici en jeu la question de l'efficacité de l'Etat et sa capacité à répondre aux situations d'urgence ; il a dénoncé, à ce sujet, la centralisation excessive de l'administration française, seule responsable de la faiblesse dans la consommation des crédits.

M. Francis Delattre a considéré effectivement qu'il s'agissait d'un problème général à l'administration française. Citant le cas de l'institution des secrétariats généraux pour l'administration de la police (SGAP), il a estimé que cette innovation aurait pu être un premier pas vers une déconcentration administrative. Il a reconnu néanmoins que, faute d'une délégation de pouvoirs véritable, l'institution n'avait pas eu le succès escompté.

Le rapporteur a annoncé qu'il se rendrait, avec M. André Vallini, à la prison de Borgo, afin d'obtenir des explications sur les dysfonctionnements manifestes de cet établissement pénitentiaire, pourtant de construction récente, précisant qu'il rencontrerait également au cours de ce déplacement les services de la préfecture ainsi que les chefs de juridiction.

 

 

 

 

 

 

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